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HÉRODAS

de Cos, venues faire une offrande au temple d’Asclépios, en admirent naïvement les richesses. Bitinna, jalouse d’un de ses esclaves, le querelle et le fait battre. Coritto et Métro se content à portes closes les ingénieuses trouvailles du cordonnier Kerdon. Ce même cordonnier, dans une autre pièce, fait à Métro les honneurs de son étalage. Il n’y a, dans tout cela, ni études profondes de caractères ni analyses morales minutieuses : ce sont de rapides peintures de mœurs, de vifs et légers croquis, des silhouettes amusantes. Point d’action complexe non plus : la brièveté du poème s’y oppose ; mais on y trouve pourtant une ébauche d’action, un mouvement scénique sensible ; il y a un point de départ et un but, avec une marche un peu capricieuse parfois et de jolis détours. Ces petites pièces sont trop courtes pour le théâtre proprement dit : c’est un véritable « spectacle dans un fauteuil », fait pour la lecture solitaire, ou, tout au plus, pour la récitation devant un auditoire peu nombreux.

Les traits que nous venons d’esquisser appartiennent plutôt d’ailleurs au genre même du mime qu’au talent personnel d’Hérodas ; car on les retrouve tout semblables dans les pièces du même genre que nous lisons chez Théocrite. Nous les retrouverions sans doute aussi chez Sophron et chez Xénarque, si nous pouvions encore lire ces écrivains. Ce qui est vraiment personnel, au contraire, et propre à Hérodas, c’est d’abord la nature de son observation, franchement réaliste, presque sans mélange d’idéal et de poésie ; c’est ensuite son style et sa versification.

Le réalisme d’Hérodas prend pour champ d’observation toute la vie moyenne, dont il met en scène les divers sentiments, depuis la liberté vive et crue de certaines conversations hardiment obscènes, jusqu’à l’honnêteté spirituelle d’une femme charmante, en passant