Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/232

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
214
CHAPITRE IV. — LA POÉSIE ALEXANDRINE

dans une épigramme[1] : « Je hais le poème cyclique[2], la route banale où tout le monde passe ; je ne bois pas à la fontaine publique ; les choses populaires me dégoûtent. » Cette idée juste l’entraînait à des applications particulières qui n’étaient pas toutes incontestables. Les auteurs trop admirés le mettaient en défiance. Il semble avoir préféré Hésiode à Homère[3]. Il traitait dédaigneusement Archiloque[4]. Il raillait les poètes dithyrambiques[5]. La Lydé d’Antimaque, si vantée, lui semblait, non sans raison peut-être, lourde et sans finesse[6]. Il allait jusqu’à prescrire en général les longs ouvrages : il disait qu’un gros livre était un grand mal[7]. Et encore : « Je n’aime pas le chanteur dont les chants sont plus vastes que la mer[8]. » Il aurait signé ces vers de Théocrite : « Je déteste ces oiseaux des Muses dont le vain babillage s’épuise à lutter contre le chantre de Chios[9]. » Son idéal est donc aisé à déterminer : il veut des poèmes courts, franchement modernes, ciselés avec art, où un goût difficile et une curiosité savante trouvent une complète satisfaction. Comment l’a-t-il réalisé ? Avec beaucoup d’art en effet, mais un art qui exclut trop souvent, sinon toujours, la sincérité et la grandeur de l’inspiration.


Les six Hymnes qui nous restent de Callimaque ont été composés à des époques et dans des circonstances

  1. Anthol. Pal., XII, 43.
  2. C’est-à-dire le poème banal ; κυκλικός et κυκλικῶς, dans la langue des grammairiens alexandrins et des scoliastes, veulent dire : d’une manière convenue, banale. Cf. Couat, p. 503.
  3. Anthol. Pal., IX, 507.
  4. Fragm. 223.
  5. Fragm. 279.
  6. Fragm. 74, 6.
  7. Fragm. 359 (μέγα βιβλίον ἶσον — τῷ μεγάλῳ κακῷ). Tous ces textes sont cités dans Couat, p. 495-496.
  8. Hymnes, II, 106.
  9. Théocrite, VII, 47-48.