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MÉLÉAGRE ; LA COURONNE

l’amour inquiet[1]. Si l’on ajoute à cela que Méléagre est un versificateur habile, un écrivain de savoir et de goût, on comprendra les raisons de sa supériorité incontestable[2].

Il avait aussi composé un ouvrage philosophique imitée de ceux de Ménippe, et intitulé Les Grâces[3]. C’était probablement un écrit ou les vers et la prose étaient mêlés, mais nous n’en connaissons à peu près rien, sinon qu’il cherchait, comme Ménippe, à enseigner sous un masque plaisant la vraie sagesse, c’est-à-dire celle du cynisme : Strabon aurait pu l’appeler, comme Ménippe, σπουδογέλοιος[4].

Il eut enfin un autre mérite qui a contribué probablement plus que tout le reste à nous le faire connaître : ce fut de concevoir et de réaliser le projet d’une anthologie lyrique, où il réunit à ses propres œuvres celles d’une quarantaine de poètes grecs, auteurs de chansons, d’élégies et d’épigrammes, depuis les classiques du viie et du vie siècle, jusqu’à ses contemporains. Cette anthologie s’appelait « La couronne » ou « Le bouquet » (Στέφανος). Il l’avait fait précéder d’une longue dédicace en vers à son ami Dioclès, où il comparait à quelque fleur chacun des poètes de son « bouquet ». Cette dédicace nous a été conservée et nous permet de nous faire une idée très nette de l’œuvre. D’autres, à vrai dire, avaient déjà formé des anthologies : Artémidore d’Éphèse, par exemple, avait réuni un choix de poésies bucoliques. Mais la Couronne de Méléagre paraît avoir été le plus considérable de ces recueils. Il eut beaucoup de succès et devint ainsi le fond de toutes les antholo-

  1. Épigr. 41.
  2. La jolie pièce du Printemps, si goûtée de Sainte-Beuve, n’est probablement pas de Méléagre. Cf. Ouvré, p. 241. Sur certaines autres attributions, cf. ibid., p. 19-20.
  3. Athénée, IV, 157, B. Cf. Ouvré, p. 59 et suiv.
  4. Strabon, XVI, 29 (p. 759).