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CHAPITRE V. — POLYBE

finalement des prétextes pour ne pas l’envoyer[1]. Peu après, comme la ligue, conformément à l’avis de Lycortas et de Polybe, se disposait à intervenir dans les querelles des rois d’Égypte, les Romains l’en empêchèrent[2]. Dans toute cette période, la politique de Polybe et de son père est une politique essentiellement achéenne et prudente, sans empressement à l’égard de Rome, mais sans hostilité téméraire ; c’est la politique du parti aristocratique, très vivement combattu par Callicrate et le parti démocratique, qui recherchent au contraire à tout prix l’alliance romaine pour écraser leurs ennemis intérieurs. Aussi, après la défaite définitive de Persée, en 168, Rome ne manqua pas de récompenser le zèle de ses partisans fougueux en accordant toute satisfaction à leurs haines politiques. Elle réclama des otages : sur la désignation de Callicrate, mille Achéens, choisis parmi les plus nobles, furent envoyés à Rome ; Polybe était du nombre[3]. Il avait alors environ quarante ans. Il était dans toute la force de sa maturité, instruit par vingt ans de vie politique et militaire. Il arrivait à Rome à ce moment unique de son histoire que Cicéron considérait comme l’âge d’or de la République : moment d’équilibre intérieur admirable, d’expansion vigoureuse au dehors, de fidélité persistante aux vieilles maximes, avec un commencement déjà d’élégance et de raffinement. Il fut émerveillé : tout ce qu’il avait cherché vainement en Grèce, il le trouvait chez les vainqueurs de la Grèce : une aristocratie forte et éclairée, une organisation puissante, une tradition qui n’était pas routinière, un sens pratique et moral, un esprit de discipline qui doublaient la force matérielle. Il y avait, pour ainsi dire, harmonie préétablie entre l’esprit vigoureux de Polybe et ce

  1. Polybe, XXVIII, 10-11 (12-13, Hultsch).
  2. Polybe, XXIX, 8 et suiv. (23 et suiv., Hultsch).
  3. Polybe, XXX, 10 (12, Hultsch). Cf. T. Live, XLV, 31.