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CHAPITRE V. — POLYBE

donné qu’une idée fort inexacte[1]. — Le récit de la bataille de Cannes prêterait à des observations analogues : celui de Tite-Live, très beau de sentiment et très romain, est bien moins intelligible, quant au détail précis des opérations militaires, que celui de Polybe, où ne manque d’ailleurs pas une sorte de grandeur qui vient des faits plus que des mots[2]. Et c’est ainsi partout : Polybe a toutes les qualités d’un « historien pragmatique », sinon d’un rhéteur, et il arrive quelquefois par surcroît à l’éloquence et à l’émotion, par la force de la vérité clairement déduite.

Nous avons dit plus haut que ses portraits étaient moins des portraits proprement dits que des dissertations sur les mérites de ses héros. Il convient d’ajouter du moins que ces dissertations sont instructives, et nous font, en somme, bien connaître les personnages dont il parle. Son Philopémen[3] et son Annibal[4] ne sont certes pas vivants ; ils ne se dressent pas devant le souvenir avec la netteté d’une image tracée par un Michelet. Mais on sait avec précision, après les avoir lus, ce que l’historien avait pu découvrir de leurs qualités et de leurs défauts, de leurs vertus et de leurs vices : les éléments du portrait ont été rassemblés avec diligence et soigneusement examinés. Vienne maintenant un artiste, il pourra compléter l’œuvre et dresser la statue.

VIII

Polybe a été jugé très diversement. Un rhéteur puriste, comme Denys d’Halicarnasse, devait être surtout choqué de son style et mal comprendre son mérite d’his-

  1. Polybe, III, 84-55 ; Tite-Live, XXI, 5.
  2. Polybe, III, 2 et suiv. ; Tite-Live, 48 et suiv.
  3. Polybe, X, 22-24.
  4. Polybe, IX, 22-26.