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CHAPITRE II. — D’AUGUSTE À DOMITIEN

ment ceux d’Épictète et d’Aulu-Gelle, l’enseignement de Musonius était remarquable par sa sincérité vigoureuse et son caractère pratique[1]. Sans dédaigner aucune partie de la doctrine traditionnelle, il s’attachait surtout à la morale. Ses leçons étaient de vives peintures, franches et familières, où chacun se reconnaissait. Volontairement étranger à toute rhétorique, il se proposait d’éveiller la conscience de ses auditeurs, d’y faire naître le reproche secret qui seul rend efficace la parole du maître, et il y réussissait par une précision pénétrante.

Cette impression des contemporains, nous ne l’éprouvons pas complétement en lisant les fragments qui sont venus jusqu’à nous. La faute en est sans doute au rédacteur, qui n’a pas su garder tout ce qui faisait la force et le charme de la parole du maître. Les qualités propres de celui-ci apparaissent davantage dans les mots cités isolément par Plutarque, Aulu-Gelle, Stobée. Mais les fragments étendus nous donnent du moins l’idée nette de l’esprit de son enseignement moral. Ce sont des instructions familières qui touchent à toutes les choses quotidiennes, à la nourriture, à l’habitation, aux vêtements, au mariage, aux droits des parents, aux peines de la vie, à la vieillesse[2]. Les idées viennent de Platon, d’Aristote, de Chrysippe ; ce sont celles que nous rencontrons vers le même temps chez Sénèque et chez les

  1. Gell., V, 1 ; paroles de Musonius contre les sophistes, notamment : Quisquis ille est qui audit, inter ipsam philosophi orationem et perhorrescat necesse est et pudeat tacitus et pœniteat et gaudeat et admiretur…, etc. Épict., Entret., III, 23, 29 οὕτως ἔλεγεν ὥσθ’ ἕκαστον ἠμῶν καθήμενον οἴεσθαι ὅτι τίς ποτε αὐτὸν διαβέβληκεν· οὕτως ἥπτετο τῶν γινομένων, οὕτω πρὸ ὀφθαλμῶν ἐτίθει τὰ ἑκάστου κακά.
  2. Stobée, Florileg. I, 84, περὶ σκέπης ; XXIX, 78, περὶ ἀσκέσεως, sur la nécessité de s’exercer quotidiennement à la vertu ; XVIII, 38, περὶ τροφῆς ; XXIX, 75, Ὅτι πόνου καταφρονητέον, XL, 9, ὅτι οὐ κακὸν ἡ φυγή, entretien avec un exilé sur l’exil ; LXVII, 20, Εἰ ἐμκόδιον τῷ φίλοσοφεῖν γάμος ; LXIX, 23, τί τὸ κεφαλαῖον γάμου ; CXVII, 8, τί ἄριστον γήρως ἐφόδιον ; etc.