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PHILON ; SA MÉTHODE ET SA DOCTRINE

interruptions. Les dégager et les examiner en détail est l’affaire de la philosophie. Pour l’objet que nous nous proposons ici, il suffira d’étudier sommairement, dans l’ensemble de cette grande œuvre, l’esprit et le talent de Philon, en marquant à grands traits l’influence qu’il a exercée, soit sur la philosophie néoplatonicienne, soit sur la littérature chrétienne.

La méthode de Philon, dans ses commentaires sur l’Ancien Testament, c’est l’interprétation allégorique pratiquée avec une liberté, ou plutôt une fantaisie, qui nous paraît à nous un défi perpétuel au bon sens[1]. Cette méthode, Philon l’a reçue toute faite. Elle avait été appliquée par la philosophie grecque, par les Stoïciens surtout, à l’interprétation de la mythologie ancienne et à celle des textes classiques, spécialement des poésies d’Homère. Elle était passée de là à Alexandrie, et nous savons par Philon lui-même que ses prédécesseurs en faisaient usage depuis longtemps pour expliquer l’Écriture, qu’ils considéraient pourtant comme révélée. Il n’a donc rien innové à cet égard. Mais, en raison de la conservation de ses œuvres, c’est chez lui que cette méthode nous apparaît le plus clairement. Ainsi traitée, l’Écriture n’est vraiment plus qu’un prétexte. Méprisant le plus souvent le sens littéral, qui lui paraît indigne de Dieu, il fait dire au texte tout ce qu’il veut. Et c’est ainsi qu’avec une assurance sereine et vraiment étonnante, il y retrouve, sans la moindre difficulté, les grandes doctrines de Platon, d’Aristote, de Pythagore, celles des Stoïciens, qui, selon lui, ont été toutes empruntées par leurs prétendus auteurs à la source juive.

La doctrine qu’il tire de là ne peut être indiquée ici qu’en quelques mots[2]. Un dieu unique, qu’il essaye de

  1. Voir, pour plus de détails sur ce point, Zeller (Phil. de Griech., V, p. 347 et suiv.
  2. Zeller ouv. cité. Rappelons aussi l’exposé de Vacherot dans