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CHAPITRE II. — D’AUGUSTE À DOMITIEN

dieu, qui en est le père et le créateur et en même temps le guide suprême[1] ?

Sans doute, l’idée exprimée ici remonte au moins jusqu’à Socrate. Mais il y a, dans l’allure de la phrase et dans la pompe des expressions, une sorte de lyrisme, fait à la fois d’admiration naïve, de conviction ardente, et d’amour, qui prête à cette très vieille idée un accent nouveau.

Et encore, il n’est question dans ce passage que du monde extérieur. Combien Philon ne sera-t-il pas plus original, quand il parlera de cette vie spirituelle qui lui est si chère et dont il a fait son domaine propre ! Écoutons-le, lorsqu’il paraphrase les paroles de Moïse devant le buisson ardent, priant Dieu de se révéler à lui. Ici, le sentiment qui s’exprime est celui de la foi inspirée par l’amour, l’élan de l’âme qui veut connaître Dieu pour le mieux aimer, et qui n’attend que de lui l’illumination dont elle a besoin ; et c’est par conséquent l’une des inspirations fondamentales du christianisme :

« Ah ! Révèle-moi qui tu es en vérité. Car, s’il ne s’agissait que de ton existence, l’univers me l’a enseignée ; il t’a fait connaître à moi, comme un fils fait connaître son père, comme l’ouvrage fait connaître l’ouvrier. Mais ce que tu es en ton essence, voilà ce que j’ai soif de savoir ; et cette science-là, il n’est pas une des parties de l’univers entier qui puisse m’en donner l’accès. Donc, je te prie et je t’implore, pour que tu accueilles la demande d’un suppliant, qui est plein de ton amour, et qui ne veut adorer que toi seul. La lumière ne se manifeste par rien d’étranger à elle-même : elle est sa propre manifestation ; et, de même, toi, tu peux seul te faire connaître à nous. Voilà pourquoi je crois mériter d’être pardonné, si, manquant de maître, j’ai osé me jeter à tes pieds, pour me faire instruire par toi-même[2]. »

  1. De Monarch., I, ch. iv.
  2. Ibid., I, 6.