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CHAPITRE II. — PHILOSOPHIE AU IIIe SIÈCLE

des emprunts faits aux écoles voisines. L’Académie reste une palestre intellectuelle, alors que d’autres écoles nouvelles sont surtout des disciplines de la volonté. Dans cette altération graduelle de la pure doctrine platonicienne, l’Academie se rapproche souvent d’Aristote. On sait que Cicéron s’est maintes fois appliqué à faire ressortir la conformité générale entre l’Académie et le Lycée[1]. Il a raison. Aristote lui-même a fait partie de l’Académie pendant plusieurs années. Il cite Speusippe en divers passages. On ne doit donc pas être surpris de trouver chez Speusippe ou chez Xénocrate des expressions ou des idées qui semblent venir du Lycée[2]. Les deux écoles, en somme, sont sœurs : même officiellement séparées, elles restent assez voisines, et le génie d’Aristote est assez grand pour que l’influence de celui-ci se fasse parfois sentir à l’Académie. Un autre fait à noter, c’est la prépondérance croissante de la morale dans les études de l’école : c’est là un trait du temps. Il en est de même pour certaines tentatives d’organisation, de synthèse, de syncrétisme. Aucun de ces premiers académiciens ne semble avoir eu de génie ; ils n’ont laissé en somme que des traces assez modestes dans l’histoire des doctrines comme dans celle des lettres ; mais l’évolution de l’école offre quelque intérêt et mérite qu’on en fixe au moins les lignes générales.

Le premier est Speusippe, fils de Potone, sœur de Platon[3]. Il naquit vers 393. Esprit brillant et vif, il avait

  1. Voir, p. ex., De Orat. III, 18.
  2. Par example, le mot ἕξις (hexis) dans Speusippe (fragm. 21, 25, etc.) ; δύναμινς (dunamis) et ἐνέργεια (energeia) dans Xénocrate (fr. 26, etc.) — L’Académie elle-même est appelée deux fois par Speusippe περίπατος (peripatos) (fragm. 189 et 190). — Pour les ressemblances d’idées, v. plus bas, ce qui sera dit des doctrines.
  3. Diogène Laërce, IV, 1-5 ; Suidas, Σπεύσιππος (Speusippos). Fragments dans Mullach, Fragmenta Philos. Graecorum (Didot), t. III, p. 75-99.