Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/485

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
467
DION DE PRUSE ; SA VIE

cès, la plus soucieuse de plaire, qui se soit jamais produite. Si un Épictète, par sa valeur individuelle, avait assez de force pour réagir contre cet engouement du jour, pour s’attacher à la vérité seule, et pour la faire aimer dans toute sa rudesse par ceux qui l’approchaient, c’était là une exception. En général, la philosophie morale devait tendre à se manifester sous des dehors plus aimables, plus élégants, à se parer même des ornements à la mode ; et c’est en effet ce qui eut lieu. Tandis qu’Épictète l’enseignait sous sa forme la plus austère dans son cloître de Nicopolis, un rhéteur devenu philosophe, Dion Chrysostome, la promenait de ville en ville devant des auditoires nombreux, dont il enlevait les applaudissements[1].

Né vers l’an 40 après J.-C. à Pruse en Bithynie, Dion appartenait à une des premières familles de sa ville natale. Depuis plusieurs générations, cette famille avait compté des orateurs et des hommes d’affaires, qui avaient été en crédit à Rome auprès des empereurs[2]. Elle avait acquis ainsi une fortune considérable, représentée par des domaines en Bithynie ; mais, à plusieurs reprises, elle l’avait diminuée ou compromise par des largesses excessives[3]. Le père de Dion, Pasicratès, était un des citoyens marquants de Pruse, revêtu des plus hautes

  1. Les principales sources de la biographie de Dion sont : Philostrate, V. des Soph., I, ch. vii : Synesios, Dion ; Photius, Bibl., 209 ; Suidas, Δίων ὁ Πασιϰράτους. Parmi les modernes, voir l’étude de H. de Valois, Dionis vita (ch. I du second livre des Emendationes, reproduit en tête de l’édition de Dion de L. Dindort, Biblioth.. Teubner), et Emperius, De exilio Dionis, Brunswick, 1840. Beaucoup de points en sont contestables. C’est ce qui m’oblige à m’étendre un peu sur cette biographie et à renvoyer aux témoignages mêmes de Dion, dont on n’a pas tenu compte avec assez de soin. L’œuvre à consulter aujourd’hui est le livre si consciencieux de Hans von Arnim, Leben und Werke des Dio von Prusa, Berlin, 1898.
  2. Or. 46.
  3. ibid.