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PLUTARQUE ; SES ÉCRITS

conférences ou dissertations et de tous ses traités. Jamais, la disposition des parties ne résulte chez lui du développement organique d’une idée. Non pas qu’il aille au hasard en dissertant. Il semble qu’en général le sujet à traiter devait lui apparaître d’abord sous la forme d’une provision d’anecdotes, de traits historiques, d’apophtegmes, d’où se dégageaient immédiatement un certain nombre de réflexions. Le travail de composition consistait à répartir rapidement ces éléments dramatiques sous un certain nombre de chefs, qu’il rangeait ensuite eux-mêmes suivant un plan propre à les faire valoir. Ordonnance le plus souvent superficielle, mais agréable et claire. Ainsi disposées, les idées sans doute ne nous mènent pas, par une progression constante, à une connaissance de plus en plus profonde de la vérité ; mais elles s’éclairent peu à peu, et elles se lient avec souplesse, avec aisance, sans confusion et sans effort. On se promène, pour ainsi dire, à travers le champ à explorer ; à chaque pas, on y découvre quelque aspect intéressant. Ce qui charme le lecteur qui n’est pas un philosophe de profession, c’est la variété, la quantité de choses concrètes qui s’offrent à lui. Non seulement l’auteur, avant d’écrire, a dû avoir en vue certains traits narratifs, mais en outre, à mesure qu’il écrit, son imagination lui fournit, chemin faisant, d’ingénieuses comparaisons ; sa mémoire lui rappelle des mots célèbres, des passages d’auteurs, des vers surtout, — car il en sait par cœur plus que personne ; — son esprit lui suggère de piquantes réflexions. Tout cela forme un tissu brillant, aux couleurs mélangées, qui amuse les yeux. Examinez l’assemblage de près ; l’art se réduit à peu de chose, la pensée directrice est faible et peu personnelle. Ce maître de philosophie est surtout un causeur et un conteur. Seulement, il n’est pas de ceux qui causent à l’aventure, ni qui racontent tout ce qui leur passe par la tête.