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DIVERSES ESPÈCES DE DISCOURS

Quelque cinquante ans plus tard, Dion, parlant aux habitants de Tarse, traçait à peu près le même portrait :

« Vous avez dû entendre plus d’une fois des hommes divins, qui déclarent tout savoir, prêts à parler sur toute chose, » pour en expliquer l’ordonnance et la nature, sur les hommes, sur les génies, sur les dieux, ou encore sur la terre, sur le ciel, sur la mer, sur le soleil et sur la lune, ainsi que sur les autres astres, sur l’univers tout entier, sur la fin des choses et sur leur naissance, et sur mille autres sujets. J’imagine qu’ils viennent vous trouver et vous demandent quels discours vous désirez qu’ils tiennent et sur quels sujets, à la façon de Pindare prêt à chanter

Isménos, ou Mélia à la quenouille d’or, ou Cadmos ;

Puis, quelle que soit la matière que vous indiquez, le voilà qui part et qui lâche, tout d’un coup, une abondance de paroles, comme une masse d’eau enfermée en lui. Et vous qui l’écoutez, vous penseriez faire preuve d’un petit esprit, d’un véritable manque de tact, si vous l’interrogiez sur chaque point et si vous vous refusiez de croire sur parole un homme si habile. D’ailleurs, vous êtes enthousiasmés par la force et la rapidité de ses discours, et vous vous délectez à lui voir débiter ainsi, sans reprendre haleine, une telle quantité de paroles ».[1]

D’autres, il est vrai, prenaient leur rôle de sages plus au sérieux. Si Dion critiquait ainsi les faux philosophes, c’est que lui-même avait un sentiment plus haut de son devoir. Les conférences d’un Plutarque, d’un Favorinus même, d’un Euphrate, d’un Taurus, de beaucoup d’autres renfermaient d’utiles et saines leçons. Le précédent chapitre a montré déjà ce que ce siècle avait fait pour la morale, et nous verrons bientôt d’autres manifestations, non moins honorables, de la même tendance. Mais ces mérites, très réels, ne doivent pas nous faire méconnaître l’influence que la sophistique a exercée en ce temps sur la philosophie. La conférence philosophique,

  1. Dion, Disc. 33, exorde.