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LUCIEN ; LE DIALOGUE

enchaîné à une formule unique ; et ceci permet de juger combien Lucien est resté indépendant jusque dans l’imitation. Quelques-uns de ses dialogues, très courts, ne nous mettent sous ses yeux qu’une seule situation, indiquée dès les premiers mots : tels sont par exemple ses célèbres Dialogues des morts. D’autres, plus développés, sont de petits drames, qui comportent une sorte d’action ; c’est le type qu’il semble avoir préféré et qui réalise tout ce dont le genre était capable : citons, entre autres, les Sectes à l’Encan. le Pêcheur, la Double accusation, l’Icaroménippe, le Timon, le Charon, le Coq, l’Assemblée des dieux, Zeus tragédien. Action fort légère naturellement. Bien rarement, on y trouve, comme dans le Pêcheur, la Double accusation, le Timon, Zeus tragédien, quelque ébauche de péripéties ; le plus souvent, tout se réduit à de simples incidents. À quoi bon s’attacher à de si minces différences dans des créations aussi libres ? Incidents ou péripéties, tout est proportionné à l’importance du drame, qui en lui-même n’est presque rien. Surprise, drôlerie, rapidité, voilà son mérite. Remarquons pourtant qu’en général les principaux de ces incidents naissent, non de la fantaisie pure, mais des données qui constituent les personnages. Quand Zeus envoie Ploutos rendre à Timon sa richesse, la protestation de Ploutos forme une première péripétie, le refus de Timon en est une seconde ; toutes deux proviennent des sentiments du dieu et du misanthrope ; il en est de même dans le Pêcheur, dans le Charon, dans le Coq. Il y a donc quelque vraisemblance morale dans cette fantaisie, quelque raison dans ces caprices ; mais, bien entendu, il n’y en a pas plus qu’il ne faut. L’action pour Lucien est simplement un moyen de mettre vivement en scène ses personnages et de les faire parler. Qu’elle soit amusante, qu’elle leur permette de dire ou de faire drôlement ce qu’ils ont à dire ou à faire, on n’a rien de plus à lui demander.