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ARRIEN : SA VIE

Arrien, avec son mérite modeste, mais sérieux, est un des hommes qui représentent le mieux les qualités moyennes de la bonne société grecque de l’empire[1]. Il les a eues toutes, sans supériorité éclatante, au degré voulu pour se tirer de la foule très honorablement.

Né à Nicomédie, en Bithynie, vers la fin du premier siècle, il appartenait à une famille considérée ; son père semble avoir été déjà citoyen romain. De cette source lui vinrent les vertus traditionnelles de la bourgeoisie provinciale : moralité, piété simple, dignité, une ambition sage, une intelligence droite. Il hérita probablement de son père le sacerdoce à vie de Déméter et Coré dans sa ville natale[2]. Le fait capital de son éducation et de sa jeunesse fut le séjour qu’il fit auprès d’Épictète, à Nicopolis d’Épire, sous Trajan. Les souvenirs qu’il en a conservés dans ses Entretiens d’Épictète prouvent que ce commerce fut assez long. Il s’y révèle comme le plus docile et le plus attentif des disciples. Rien chez Épictète qui ne soit excellent, rien qui ne mérite d’être admiré et imité. On doit admettre qu’il resta auprès de lui jusqu’au jour où le sage lui fut enlevé par la mort ; en outre, les années qui suivirent furent encore pleines de lui, car les Entretiens et le Manuel, composés après qu’Épictète avait disparu, nous montrent Arrien aussi attaché que jamais à son modèle.

Toutefois il ne voulut pas faire profession de philosophie. La vie active l’attirait : dès sa jeunesse, il prit du service pour s’élever aux honneurs militaires. C’est

  1. Nos principaux renseignements sur Arrien proviennent : 1o d’une courte notice de Suidas (Ἀρριανὸς Νικομηδεύς) ; 2o de Photius, cod. 58 (les cod. 91-93 contiennent des résumés de ses ouvrages historiques) ; 3o de quelques indications dispersées, dues à Arrien lui-même, à Lucien (Alex., 2 et 55), à Dion Cassius ; 4o enfin de trois inscriptions qui seront mentionnées plus loin. Consulter, dans Pauly-Wissowa, l’art. Arrianus, no 9 (II, 1230.)
  2. Inscr. de Nicomédie (Ἑλλην. σύλλογος, III, p. 253, 5).