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CHAP. V. — HELLÉNISME ET CHRISTIANISME

famille (la gens Annia), Marc-Aurèle fut remarqué, tout enfant, par l’empereur Adrien, qui l’aimait pour son ingénuité. En jouant sur le nom de son père, Annius Verus, il se plaisait à l’appeler Verissimus. Un peu avant sa mort, en 138, quand il se décida à désigner Antonin pour son héritier, il lui ordonna d’adopter le jeune homme, alors âgé de dix-huit ans. Sous Antonin, de 138 à 161, Marc-Aurèle vécut dans la maison impériale, avec la qualité de fils adoptif de l’empereur et d’héritier présomptif. Lorsque Antonin mourut, en 161, il devint empereur à son tour et régna pendant dix-neuf ans, de 161 à 180, d’abord associé avec son frère d’adoption, L. Vérus, de 161 à 169, puis seul, et enfin, à partir de 177, avec son fils Commode, qu’il avait appelé à partager le pouvoir.

Ce qu’il fut comme homme, tous ceux qui ont parlé de lui dans l’antiquité l’ont attesté. Selon le mot de Capitolinus, il vécut en philosophe depuis son premier jour jusqu’à son dernier (C. 1 : in omni vita philosophanti viro). Dans son enfance, ses hautes qualités morales se révélèrent, et l’application constante de toute sa vie fut de s’améliorer lui-même. Instruit par les maîtres les plus illustres du temps, il lui fut impossible, malgré sa bonne volonté, jointe à l’influence d’un Hérode Atticus et d’un Fronton, de se donner de cœur à la rhétorique. La philosophie l’attirait invinciblement : il fallut qu’il lui abandonnât toute son âme. Il fut l’élève de plusieurs philosophes de sectes diverses, parmi lesquels il est juste de distinguer Sextus de Chéronée, le neveu de Plutarque. Mais, de bonne heure, le stoïcisme le prit, et il le garda jusqu’à la fin. Ses vrais éducateurs furent les deux stoïciens Apollonios de Chalcédoine et Junius Rusticus. Au reste, il était de ceux qui se font surtout par eux-mêmes. L’homme qui se montre dans son livre s’est formé par la vie intérieure, par l’observation