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CHAP. VI. — DE SEPTIME SÉVÈRE À DIOCLÉTIEN

cles littéraires. On en découvre en lui toute la vanité, toute la nullité morale, tout le mauvais gout et toute l’afféterie.

La Vie d’Apollonios de Tyane, écrite pour satisfaire un désir de l’impératrice Julia, lui est dédiée[1] ; elle parut donc avant 217, date de sa mort. Le célèbre thaumaturge pythagoricien avait disparu depuis plus d’un siècle. Mais la crédulité contemporaine entretenait son souvenir et l’entourait de légendes. On possédait des mémoires de sa vie, authentiques ou non, attribués à son disciple Damis, qui était censé avoir fait pour lui ce qu’Arrien avait fait pour Épictète. On lisait aussi, soit ce que le philosophe Maxime avait raconté de son séjour à Ægae en Achaïe, soit les quatre livres qu’un certain Mœragénès avait composés sur lui[2]. En outre, des récits anonymes circulaient ; on colportait ses lettres, vraies ou fausses ; les villes qu’il avait visitées et les temples dont il avait restauré les oracles le célébraient par des fables qui passaient pour des témoignages[3]. Peu à peu, tout le mysticisme néo-pythagoricien du temps prenait corps dans cette tradition de plus en plus légendaire, et Apollonios devenait un homme divin, en qui ces esprits désorientés réalisaient leur idéal.

Non seulement Philostrate était incapable de dégager de ces récits confus ce qu’ils contenaient de vérité, mais il n’eut, à aucun degré, le souci de le faire. Le dessein qu’il déclare fut de montrer qu’Apollonios n’était pas un sorcier, « un mage », comme on disait alors, opérant des miracles au moyen de pratiques occultes et d’incantations, mais un homme vraiment doué d’une vertu divine, ou, pour mieux dire, une sorte de dieu. Ce que d’autres appelaient magie, Philostrate le nommait, lui,

  1. Vie d’Apoll., l. I, ch. iii.
  2. Ibid.
  3. Ibid.