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CHAP. VI. — DE SEPTIME SÉVÈRE À DIOCLÉTIEN

Du même temps à peu près semble dater le roman anonyme d’Apollonius de Tyr, qui a fait, comme on le sait, brillante fortune à travers le moyen âge et jusqu’aux temps modernes[1]. Le texte grec en est perdu ; et nous n’en possédons plus qu’une traduction en latin vulgaire, du vie siècle probablement, qui l’a sensiblement altéré en lui donnant une couleur chrétienne[2]. Le sujet est une série d’aventures merveilleuses dont le héros est un jeune prince tyrien, nommé Apollonius, qui voyage, résout des énigmes, échappe à mille dangers, épouse la fille d’un roi de Cyrène, puis la croit morte et fait jeter son corps à la mer dans un coffre, perd aussi sa fille Tharsia, la retrouve, bien des années après, en Ionie ainsi que sa femme, et finalement devient roi d’Antioche, de Tyr et de Cyrène. Plusieurs détails semblent empruntés aux Éphésiaques, ou dérivés de source commune[3]. En outre, on est frappé d’une certaine ressemblance générale, qui tient soit à la nature des événements et au théâtre de l’action, soit à la forme sèche et superficielle du récit. Mais les motifs moraux y sont moins nets, moins prédominants, et l’action est de nouveau située en un temps vague, dans une societé quel-

  1. Singer, Apollonius von Tyren, Untersuchung ueber das Fortleben des antiken Romans in spaeteren Zeiten, Halle, 1896.
  2. Voir surtout la préface de A. Riese, en tête de son édition : Historia Apollonii regis Tyri, Leipzig, 1871 ; 2e édition, 1893. — Cf. E. Rohde, Gr. R. p. 408 et suiv., et Pauly-Wissowa, Apollonius, n° 89. L’existence d’un original grec, quoique certaine, ne se fonde sur aucun témoignage positif. On l’a déduite d’abord des hellénismes qu’on a cru relever dans le latin du traducteur (voir A. Riese, préface ; contredit par Lielmann, Ueber Sprache und Kritik des lateinischen Apollonius Romans, Speier, 1881). Elle résulte surtout de la nature même de l’œuvre. — Les remaniements en grec vulgaire qui ont eu cours chez les Byzantins dérivent de la traduction latine (Krumbacher, Byz. Liter., § 252).
  3. Riese, Préface, seconde édition, p. XVI. Selon Krumbacher (Byz. Literatur gesch., § 252), l’imitateur serait au contraire Xénophon.