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CHAP. VI. — DE SEPTIME-SÉVÈRE À DIOCLÉTIEN

drie. Ce fut là que les leçons d’Ammonios Saccas lui révélèrent la philosophie[1]. Il les suivit pendant onze ans, de 232 à 243. En 243, désireux de s’initier à la sagesse renommée des Perses et des Indiens, il accompagna l’empereur Gordien III dans son expédition contra Ctésiphon et faillit périr au milieu du désastre de l’armée. Il put s’échapper, gagna Antioche, puis vint s’établir à Rome, en 244, sous la règne de Philippe l’Arabe. C’est là qu’il vécut pendant ses vingt-six dernières années, entouré d’un cercle de disciples, et tout absorbé par son enseignement, qu’une inspiration divine semblait animer. La profondeur de ses pensées, la pureté de son caractère, plus que son talent de parole, lui attiraient des auditeurs nombreux, parmi lesquels des sénateurs et plusieurs femmes distinguées. L’empereur Gallien (260-268) et sa femme, l’impératrice Salonine, lui témoignèrent une constante faveur[2]. Mais la simplicité de sa vie n’en fut pas altérée. Il touchait à peine à la vieillesse, lorsqu’il mourut en Campanie, près de Pouzzoles, dans un lieu où il se rendait fréquemment en été.

Plotin a écrit pendant toute sa vie, sans se soucier un seul instant de bien écrire. Jamais, nous dit Porphyre, il ne se relisait ; il ne s’attachait qu’à la valeur de la pensée, et ne se préoccupait ni de style, ni même d’orthographe[3]. Ce premier jet était d’ailleurs le résultat d’une méditation aussi profonde qu’abondante.

  1. Ammonios Saccas lui-même n’a rien écrit. Son rôle a été tout philosophique : il n’y a donc aucune raison de la faire figurer dans une histoire littéraire. D’ailleurs, ses idées ne nous sont pas assez connues pour qu’on puisse y discerner sûrement ce qui est de lui et ce que Plotin y a ajouté.
  2. Treb. Pollion, Gall., ch. II. Porphyre rapporte (V. de Plotin, 12) qu’il fut question entre eux de fonder en Campanie une cité sur le modèle de celle de Platon. Elle devait s’appeler Platonopolis. Il est difficile de décider aujourd’hui jusqu’à quel point un tel projet était sérieux de la part de l’Empereur.
  3. Vie de Plotin, 8.