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CHAP. VI. — DE SEPTIME-SÉVÈRE À DIOCLÉTIEN

conflit avec l’enseignement chrétien. Et Porphyre, en effet, est bien le plus redoutable adversaire que la foi nouvelle ait rencontré, dans l’ordre de la pensée, avant sa victoire définitive. Aussi le voyons-nous figurer chez les écrivains chrétiens comme « l’ennemi » par excellence[1].

L’ouvrage qui lui a valu surtout cette animadversion nous est fort peu connu. Les écrivains chrétiens en parlent, mais n’en donnent guère d’extraits ; après l’extinction du paganisme, il a dû disparaître promptement. Il comprenait quinze livres (Kατὰ Χριστιανῶν λόγοι ιέ (Kata Christianôn logoi ié)). Le plan en était à la fois historique et philosophique. Porphyre étudiait le christianisme dans ses antécédents judaïques, dans ses relations avec les autres traditions religieuses, et sans doute aussi dans sa doctrine. C’était tout autre chose par conséquent que le pamphlet acerbe de Celse, ou que les railleries isolées de Lucien. Il critiquait les textes de l’Écriture, discutait les commentaires autorisés, en particulier ceux d’Origène[2]. Mais ce qui le rendait surtout dangereux, c’est que sans doute il ne se contentait pas de critiquer, mais opposait doctrine à doctrine, tradition à tradition et presque église à église. Voilà du moins ce que nous pouvons soupçonner[3]. Et, s’il ne l’avait pas fait dans cet ouvrage, il l’avait en tout cas tenté dans d’autres, notamment dans celui que S. Augustin cite fréquemment sous le titre de De regressu animæ[4].

  1. Suidas, Πορφύριος ὁ τῶν χριστιανῶν πολέμιος. — Οὖτός ἐστιν ὁ Πορφύριος ὁ τὴν ϰατὰ Χριστιανῶν ἐφύϐριστον γλῶσσαν ϰινήσας. — Cyrille, c. Julien, I, p. 28 : Πορφύριος ὁ πιϰροὺς ἡμῶν ϰαταχέας λόγους ϰαὶ τῆς Χριστιανῶν θρησϰείας μόνον ϰατορχούμενος.
  2. Eusèbe, Prépar. évangél., VI, 19.
  3. L’importance de l’ouvrage est attestée aussi par ce fait, qu’au siècle suivant Apollinaire de Laodicée en composa une réfutation en trente livres, aujourd’hui perdue.
  4. Cité de Dieu, X, 29, 32. On voit assez par toute la discussion de S. Augustin, que, pour lui, Porphyre est le grand écrivain religieux du paganisme.