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CHAP. VI. — DE SEPTIME-SÉVÈRE À DIOCLÉTIEN

sées, par les idées et les informations dont elle est pleine. Quelques-uns des grands côtés du Christianisme sont heureusement dégagés et mis en lumière. Origène montre par exemple avec force comment la philosophie grecque s’est trouvée trop savante pour la masse de l’humanité ; et, quand Celse reproche au christianisme de vouloir substituer la croyance aveugle à la raison, il répond avec justesse que la simple croyance, quoi que nous fassions, a une part énorme dans la vie intellectuelle de chacun de nous, et que, d’ailleurs, le christianisme s’était fait, lui aussi, une philosophie. Ajoutons que beaucoup d’assertions légères et inexactes, avancées par Celse, sont relevées à propos. Mais, si ces mérites donnent à l’ouvrage une valeur réelle, qu’il est loin d’avoir perdue avec le temps, ils n’empêchent pas, d’autre part, que les défauts ordinaires à l’auteur n’y soient très sensibles. Ce qui y manque le plus, c’est une composition méthodique : ce n’en était pas une que de suivre l’ouvrage de Celse pas à pas ; les redites, les lenteurs y abondent ; on y voudrait surtout quelques pensées maîtresses, capables d’organiser en un tout cette masse d’arguments.

Si, de cet aperçu sommaire, on veut dégager maintenant un jugement d’ensemble sur l’œuvre d’Origène, il semble qu’il y ait lieu de faire ressortir surtout la disproportion, si frappante chez lui, entre l’activité de l’esprit et l’art littéraire. Cette insuffisance de l’art serait de peu d’importance, après tout, si elle n’atteignait aussi le fond des choses. Mais ici, comme toujours, quand l’art manque dans une œuvre de l’esprit, c’est que la pensée n’y est pas arrivée à son achèvement. Si elle était assez profonde, assez puissamment coordonnée, assez dépouillée de tout ce qui l’alourdit et l’affaiblit, elle serait belle, alors même que l’auteur n’aurait pas cherché à l’embellir. Ce que nous avons sous les yeux n’est que