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CHAP. VII. — L’ORIENT GREC AU IVe SIÈCLE

tions de leur maître. Il échappa pourtant avec son frère Gallus, mais demeura toujours plus ou moins suspect à son cousin, l’empereur Constance. Par ses ordres, le jeune prince fut élevé à l’écart en Cappadoce ; il resta là, de 337 à 343, dans une sorte de captivité, sans amis, sans compagnons de son âge, et loin des écoles[1]. Il n’est pas douteux que cette enfance, sombre et inquiète, n’ait aigri pour jamais l’âme impressionnable du futur César. Quand cette dure surveillance se relâcha, il fut appelé à Constantinople, et là, d’abord, puis à Nicomédie, put enfin fréquenter les écoles. Bien que confié à des maîtres chrétiens et nourri dans le christianisme, ce fut alors qu’il subit l’influence de Libanios, qui enseignait en ce temps à Nicomédie, ainsi que celle de Maxime et des néoplatoniciens qui se groupaient autour de l’école de Pergame et d’Ædésios. Les rapports qu’il eut avec eux étaient nécessairement secrets ; mais leur influence sur lui n’en fut que plus profonde. Il haïssait déjà le christianisme au fond du cœur, soit parce qu’il lui était imposé, soit parce qu’il n’y trouvait pas cette haute culture de l’esprit qu’il admirait passionnément dans l’antiquité classique. L’éloquence profane le charmait, et, plus encore sans doute, la théologie mystique des néoplatoniciens, qui convenait à son esprit avide de l’inconnu. La subtilité hardie de leur exégèse l’enivrait, en même temps que leur théurgie exaltait son âme. Il avait vingt-trois ans, lorsque son frère aîné Gallus, que Constance avait fait César, fut rappelé brusquement à Constantinople, dépouillé de ses honneurs et mis à mort (354). Pendant six mois, le jeune Julien se trouva lui-même en grand danger ; Constance le traînait à sa suite, sans daigner l’admettre en sa présence. L’intercession de

  1. Ἀποϰεϰλεισμένοι παντὸς μὲν μαθήματος σπουδαίου, πάσης δὲ ἐλευθέρας ἐντεύξεως ; Lettre aux Athén., p. 349, 350, Hertlein.