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CHAP. VII. — L’ORIENT GREC AU IVe SIÈCLE

y entouraient le patriarche : un empereur faible, une impératrice mobile et vindicative, mille intrigues de cour, un clergé divisé, des jalousies ardentes et cachées, un peuple toujours prêt à s’agiter. Dans ce milieu, un évêque, quelque décidé qu’il fût à faire son devoir, devait cependant user de prudence, procéder lentement et avec méthode, fermer les yeux sur les petites choses, tenir compte des impossibilités, se montrer patient autant que résolu, et surtout éviter de se poser en face de la cour, ou même de se laisser représenter par la malveillance, comme une sorte de tribun. Or Jean était un apôtre, imprudent à force de zèle, incapable des concessions les plus nécessaires, habitué à tout dire, étranger aux difficultés du gouvernement des hommes. Avec son admirable éloquence, qui l’enivrait lui-même, avec sa foi ardente et sa doctrine inflexible, il avait tout ce qu’il fallait pour échouer là d’une manière tragique, et il échoue en effet.

Intronisé le 26 février 398, il entrait en conflit presque aussitôt avec le tout-puissant Eutrope, qui l’avait choisi. D’ailleurs, dès l’année suivante, lorsqu’une brusque disgrâce eut renversé le favori et faillit le livrer à la fureur du peuple, Jean, aussi généreux qu’il avait été hardi, le défendait, en revendiquant pour son église le droit d’asile. Mais la chute d’Eutrope livrait l’empereur à l’influence de sa femme Eudoxie ; et, comme Jean ne pouvait pas ne pas être en opposition avec la puissance du jour, c’était désormais entre l’impératrice et lui que la lutte s’engageait, tantôt sourde, tantôt violente.

La hardiesse de ses prédications, presque révolutionnaires, contre le luxe, les mauvaises mœurs, la dureté des riches, lui gagnaient le peuple, qui d’ailleurs admirait la simplicité de sa vie, son éloquence et son courage ; mais elle lui créait en même temps des ennemis