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quelqu’un de l’ouvrir et de le refermer du dehors ?

— C’est l’enfance de l’art.

— Allons donc !

— Je vous en ferai, si vous voulez, la démonstration.

À ce moment le médecin, entrant, vint interrompre leur conversation.

Il remit son rapport. Un lourd silence plana pendant que le chef de justice en prenait connaissance.

— Et vous concluez, docteur, dit Stockton, en prenant la parole ?

— je ne conclus pas. Les deux hypothèses d’un crime ou d’un suicide me semblent également plausibles. Je laisse à la justice le soin d’établir celle à laquelle il convient de s’arrêter.

— Il me semble que vous ne vous engagez pas trop, fit Marius Boulard ; moi, si j’étais docteur…

— Voilà, Monsieur, par où nous différons. L’instrument qui a servi à donner la mort était sans aucun doute une arme tranchante, munie d’une pointe acérée, un couteau-poignard, par exemple, voilà ce que je puis vous affirmer. La blessure allant de gauche à droite a été faite par l’enfoncement de l’arme à gauche de la carotide primitive, puis celle-ci a été sectionnée par un brusque retour de l’arme vers la droite, à peu près à la hauteur de la thyroïdienne supérieure.

La victime n’est certainement pas morte sur le coup, elle a dû survivre quelques minutes à cette effroyable blessure, laquelle dénote une sûreté de main ou une force peu commune.

— Jarvis pouvait-il avoir le sang-froid et la force nécessaire pour se porter un coup de cette sorte ?

— Le suicide est une sorte de résolution désespérée. Il y a des gens qui agissent comme en état de folie, d’autres restent de sang-froid avec leurs nerfs bandés par cette volonté de détruire. Ceux-là sont capables de tout. Je pourrais citer des exemples.

— Un mot encore, docteur, ne pourriez-vous me dire à quelle heure la mort est survenue ?

— Je pourrai vous fixer exactement sur ce point après l’autopsie.

— Mais de façon approximative ?

— Mettons une heure. Il est à présent quatre heures et quart. Monsieur Jarvis a dû mourir vers trois heures vingt.

Lorsque le docteur parla de l’arme qui avait servi à donner la mort, Marius avait instinctivement cherché des yeux le couteau-grattoir dont la dimension l’avait intrigué si fort le matin, lors de sa visite à la banque.

Il n’en trouva pas trace ; par contre, en faisant cette recherche, il avait examiné les objets retirés des poches de Jarvis ; la montre attira son attention. Elle marquait trois heures quatorze minutes.

— Excusez-moi de prendre la parole, fit-il, je suis ici en simple spectateur pour assister à votre enquête, et non pour y participer, mais je viens de regarder, par hasard, les objets posés sur ce bureau et je m’aperçois que la montre retirée des poches de la victime marque trois heures quatorze minutes. Si nous admettons que la montre marchait exactement et qu’elle a pu être arrêtée par un choc, par un heurt quelconque au moment où la victime s’écroula sur le sol, nous aurons ainsi l’heure exacte du crime.

— C’est fort juste, et votre observation concorde avec les hypothèses du rapport médical, mais vous venez par deux fois de prononcer le mot de « victime » ; selon vous, continua le chef de la police, nous nous trouverions donc en présence d’un assassinat