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? — K. Z. W. R. — 13

avoir menti. Quel intérêt a-t-il à le faire ?

— Je ne puis lui en supposer un.

— En somme, il est trois heures ou à peu près trois heures ; dans la banque se trouvent seulement trois personnes : Jarvis, la victime, Jeffries et vous. Jeffries peut-il être l’assassin ?

— Comment voulez-vous que je puisse répondre à cette question ?

— Ici, nous quittons le domaine des faits et nous entrons dans celui des probabilités. Pourquoi Jeffries aurait-il tué monsieur Jarvis ? Ce dernier est un homme de cinquante-sept ans, mais très bien portant, d’une taille au-dessus de la moyenne et d’une vigueur constatée souvent. Je le connais personnellement et j’ai souvent fait au club un assaut d’escrime avec lui. Or, sans être d’une force extraordinaire, il est d’une solidité de muscles qui lui aurait permis de lutter avantageusement contre un homme de la taille et de la force de Jeffries, car celui-ci est petit, d’aspect malingre et plutôt chétif.

— Il est possible que Jarvis ait été surpris.

— Non seulement c’est possible, je vous l’ai dit, c’est plus que probable et j’admets sans la discuter la valeur de votre objection. Mais tout en étant surpris, pour que l’assassin ait pu choisir, pour ainsi dire, la place où il voulait frapper, il a fallu que Jarvis ait été non seulement surpris, mais encore maîtrisé, car ne l’oublions pas, le rapport du médecin dit ceci textuellement : « La blessure a été faite avec une sûreté de main et une force peu communes ». Or, Jeffries est un homme presque aussi âgé que Jarvis, et incapable physiquement d’un pareil effort.

— Mais si vous écartez la culpabilité de Jeffries, vous concluez à la mienne ?

— Je ne juge en ce moment, ou du moins je ne préjuge rien. Je cherche à établir des faits.

— Cependant vous n’en êtes qu’à des suppositions.

— Pardon, un fait subsiste : Jeffries vous a vu entrer dans le bureau un peu avant trois heures. Jeffries a-t-il un intérêt quelconque à vous accuser, à mentir ?

— Je ne le suppose pas, à moins toutefois qu’il ne soit l’assassin lui-même.

— Soit, admettons-le une minute, malgré l’invraisemblance qu’il y a à croire — je vous le répète — qu’un homme comme Jeffries ait pu maîtriser et tuer un homme de la taille et de la force de la victime. Pourquoi, dès lors, a-t-il fait disparaître l’arme du crime ?

— Pourquoi moi l’aurais-je fait disparaître ?

— Je vous dirai tout à l’heure pourquoi vous aviez intérêt à ce qu’elle ne put être retrouvée oubliée, comme je vais vous prouver que vous seul avez pu surprendre Jarvis.

— Ah ! par exemple, si vous me prouvez cela.

— Ces clefs, sur votre tiroir…

— Ces clefs, mais je vous ai dit qu’elles m’ont été volées et que…

— Soit, admettons-le. Alors, il faut aussi admettre que Jarvis a pu voir, sans s’en étonner, votre voleur mettre cette clef à sa serrure, ouvrir votre tiroir-caisse et prendre le porte feuille qu’il renfermait ?

— Pardon, monsieur, interrompit Marius, le vol n’a-t-il pu être commis après le meurtre ?

— Sans doute, mais alors comment le voleur a-t-il pu sortir ?