Page:Cromarty - K.Z.W.R.13, 1915.djvu/127

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les unes contre les autres, et vous auriez été averti. Enveloppées dans le mouchoir ou serrées avec lui dans la main du voleur, tout bruit était évité.

— En effet.

— Comment est votre mouchoir ?

— Blanc avec une bordure volette et marqué à mon chiffre G. W., brodé également en violet.

— Ne vous étonnez pas de ma question, nous ne saurions être trop méticuleux.

— Donc, reprit Suttner : on vous vole dans la poche droite de votre pardessus votre mouchoir et vos clefs, et cela avant que vous ne montiez en voiture.

— Oui.

— À quel moment vous apercevez-vous de ce vol ?

— J’étais, comme je vous l’ai dit, mal tombé en arrêtant l’auto où j’étais monté. Nous allions très lentement, et mon énervement ne faisait que s’accroître. Je regardai ma montre et je constatai que nous avions à peine fait les deux tiers du chemin en quarante minutes, alors qu’avec une bonne voiture on met à peu près ce même temps pour faire complètement la route. Pour ne pas perdre un instant de plus, je voulus préparer dans ma main la somme nécessaire pour payer le chauffeur. Je fouillai donc dans ma poche de pantalon pour chercher de la monnaie. Je constatai que je n’en avais pas sur moi, mais je constatai aussi que je ne rencontrais pas sous ma main mon trousseau de clefs dans cette poche où je le mets habituellement. Je le cherchai inutilement, et j’en conclus aussitôt que j’avais été volé lors de la bousculade. Je fus, je vous l’avoue, très inquiet ; nous avions justement eu dans la matinée deux ouvriers pour installer l’électricité dans mon coffre-fort. Vous ignorez que dans ce coffre dorment plusieurs millions en espèces et des papiers excessivement importants. Nous avions eu avec Jarvis une conversation à ce sujet. Elle avait pu être surprise. Tout cela me passa dans la tête en l’espace d’une seconde. Je regardai autour de moi et si je l’avais pu j’aurais téléphoné immédiatement à Jarvis à la banque, mais vous connaissez les environs de Kendall House. On fait des kilomètres sans rencontrer une maison. Je jouais décidément de malheur et cela un jour de fiançailles ! L’énervement me prit. Pourquoi ai-je eu l’idée de revenir sur mes pas, je n’en sais rien, mais il me sembla que je n’avais pas d’autre parti à prendre. Je donnai donc au chauffeur l’ordre de retourner à Brownsville et je lui promis deux dollars de pourboire s’il se pressait. Probablement cet homme demanda-t-il à sa machine plus qu’elle ne pouvait donner, et ce fut là sans doute la cause de l’accident, toujours est-il qu’après avoir roulé quelques minutes une panne se produisit. Nous étions en pleine campagne, à peu près à moitié route, et vous qui connaissez ces parages, Suttner, vous savez si l’endroit est désert. J’eus un instant l’idée de partir à pied, mais j’espérais que le moteur allait être réparé d’une minute à l’autre et je m’exhortais à la patience. Enfin, au bout d’une demi-heure d’efforts à peu près, le chauffeur réussit à le mettre en marche. L’auto fila un peu plus vite et j’arrivai ici, ayant mis 2 heures pour faire un trajet qui demande ordinairement une heure et quart à peu près. Je payai vivement avec un billet de cinq dollars que je pris dans mon portefeuille et je montai ici quatre à quatre, où je ne m’attendais pas à tomber dans ce drame.

— Vous avez le numéro de l’automobile de louage qui vous a conduit ?