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donnée, le général l’appela pour un renseignement ; miss Cecil me pria donc de prendre l’appareil et c’est moi qui parlai…

— Que dites-vous là ? continuez…

— Je me rappelle très bien ce qui se passa alors et je vous répète textuellement mes paroles et ce qui fut répondu…

Tous attendaient impatiemment. Qu’allait dire mistress Kendall ? Cecil avait fait, mais en vain, un mouvement pour supplier sa tante de s’arrêter ; celle-ci jeta sur elle, sur Weld, un regard de triomphe haineux et continua :

— Après l’appel et la réponse habituelle « Allo », je demandai : « Monsieur Weld est-il encore là ? » Il me fut répondu, et sans contestation possible, par Jarvis : « Non, il est parti ». Déjà à ce moment miss Cecil était revenue prendre le second appareil récepteur, et écoutait avec moi. Sans doute, Jarvis ne raccrocha pas tout de suite l’appareil qu’il tenait à la main, car nous entendîmes distinctement le dialogue suivant entre Jarvis et quelqu’un qui causait avec lui :

« Qu’est-ce que c’est ?

« Ta fiancée qui fait demander si tu es encore là ?

« Pauvre petite !

« Tu peux le dire, pauvre petite ! »

L’appareil fut raccroché sans doute à ce moment, car nous n’entendîmes plus rien.

— Et, interrogea Suttner, dont la voix, malgré lui, tremblait d’émotion, vous avez reconnu la voix de l’interlocuteur de Jarvis ?

— Oui, et miss Cecil l’a reconnue comme moi !

— Et cet interlocuteur était selon vous… ?

— L’interlocuteur de Jarvis était Weld !

— Et vous avez téléphoné à… ?

— À trois heures dix ou onze minutes.

— Trois heures dix ou onze minutes ? Vous en êtes sûre ?

— Je ne puis me tromper, j’avais ma montre à la main pour pouvoir, si monsieur Weld m’avait répondu lui-même, lui reprocher son retard et le lui dire exactement.

— Et Jarvis, tout semble le prouver, a été tué à trois heures et quart !

Weld eut un sursaut de révolte et d’indignation, il bondit plutôt qu’il n’alla vers mistress Kendall, il la saisit aux poignets, et les yeux dans les yeux :

— Vous oseriez me répéter, les yeux dans les yeux, cette infâme calomnie ?

— Eh, mon cher, ce n’est pas une calomnie, c’est l’expression exacte de la vérité et je n’ajoute pas un mot, je vous en réponds. Du reste, demandez à votre fiancée, qui est en train de s’évanouir, elle a entendu comme moi ! Et puis, lâchez-moi, assassin, vous me brisez les poignets !

Tous s’étaient précipités : malgré lui, Stockton avait fait un pas vers Georges, et allait lui mettre la main sur l’épaule, Suttner le regardait, interrogateur, prêt à donner un ordre, quand ses yeux rencontrèrent les yeux suppliants de Marius qui lui montrait Miss Cecil, dans les bras de son père, sanglotant, désespérée…

— Weld s’était élancé vers elle, mais arrêté par un geste du général, il restait éloigné de miss Cecil, les bras tendus vers cette admirable enfant :

— Vous aviez entendu et vous avez pu dire tout à l’heure que vous me considériez toujours comme votre fiancé ; vous aviez entendu et vous avez