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— Il a dû le retirer de ses souliers, et ses talons doivent avoir un bon centimètre de moins que ceux des chaussures qu’il portait à bord.

— Mais alors, ses cheveux, une perruque ?

— Il est trop malin pour mettre une perruque, mais ses cheveux sont teints et il a laissé pousser, depuis notre séparation à Lisbonne, de petits favoris, teints également, qui lui élargissent la figure.

— Son teint ?

— Bistré par une préparation bien connue. Il a épaissi sa taille, et quand il se lèvera, vous verrez qu’il se tiendra un peu voûté pour mieux déguiser son allure habituelle.

— Prodigieux ! Mais c’est un véritable artiste, car il est maquillé de façon admirable.

— Il a changé jusqu’à ses mains, si reconnaissables cependant ! Il les a lavées dans une teinture qui les a légèrement bistrées, et ses ongles taillés autrefois en « fer de lance », sont coupés carrés maintenant.

— Et vous avez vu tout cela d’un coup d’œil ?

— Que non pas. Mais grâce à ces glaces où je pouvais l’étudier à mon aise, sans être vu moi-même, j’ai fini par le reconnaître. À première vue, je me suis défié, il est impossible d’être aussi Mexicain que cela ! C’est la perfection de son type qui a attiré mon attention sur lui !

— Mais vous croyiez qu’il était sans argent quand il a quitté le bateau à Lisbonne ?

— Eh bien ?

— Ces bijoux dont il est couvert ? Même s’ils sont en imitation…

— Vous oubliez, mon cher Boulard, les diamants faux de Madame Roseti ?

— C’est vrai, ils avaient une certaine valeur.

— Les montures étaient en or, si les pierres étaient fausses. Il a dû, à Lisbonne, vendre le tout à quelque juif. Puis, sans doute, a-t-il reçu de quelqu’un de sa bande les subsides nécessaires. Plus simplement encore, car avec des individus de cet acabit il ne faut pas chercher loin, il a peut-être fait quelque dupe nouvelle depuis que nous l’avons perdu de vue.

— Comment se fait-il, en ce cas, qu’il ne s’est pas présenté à la banque Weld pour essayer de toucher le montant de ma lettre de crédit ?

— Borchère est un voleur d’une autre envergure. Il n’est pas assez bête pour se faire prendre ainsi la main dans le sac. Il a dû attendre justement, prêt à toutes les éventualités, le jour de votre arrivée. Admettons qu’un accident vous fût arrivé — hypothèse possible — il se serait peut-être fait passer pour vous. Peut-être avait-il chargé un complice de faire naître cet accident. Mais nous pourrions faire des suppositions à l’infini, bornons-nous à constater la présence du monsieur et à savoir le motif de sa présence dans ce restaurant. Pourquoi est-il venu ici ? En somme, avant de nous avoir rencontrés, il venait à Brownsville. Qu’y vient-il faire ?

— Mais n’allez-vous pas l’arrêter ?

— Je n’aurais plus alors aucune chance de découvrir ses projets. Je n’en ai pas le droit.

— Mais vous savez que c’est un voleur ?

— Certes, mais je n’ai aucun mandat d’arrestation, car Roseti n’a pas porté plainte, et je ne puis le saisir qu’en flagrant délit.

— Et s’il allait partir…

— Quant à cela, soyez sans crainte. Il est surveillé.