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l’eut pas emmené au poste, menottes aux poings sous les regards ironiques de la foule.

L’amitié du juge lui avait épargné cette dernière humiliation, mais il n’en restait pas moins accusé d’un crime abominable et, il se l’avouait à lui-même, la fatalité avait voulu que les charges les plus graves, les plus accablantes se fussent amoncelées contre lui !

Et cela, au point qu’il en était à se demander s’il rêvait.

Il repassa dans son esprit, les uns après les autres, tous les incidents de cette fatale journée, où le destin s’était si formidablement tourné contre lui, et, forcément, il se rendit compte que tous devaient le croire coupable.

Il s’extériorisa en quelque sorte et essaya de juger les événements tels qu’ils s’étaient produits pendant ces heures tragiques.

Il était bien sûr de ne s’être trompé en rien. Tout ce qu’il avait dit était l’expression exacte de la vérité. Mais n’avait-il rien oublié ? La circonstance la plus insignifiante pouvait jeter un nouveau jour sur les faits.

Pour la vingtième fois peut-être, il récapitula tout ce qui l’accusait ; il essaya de classer avec l’ordre le plus méticuleux les dépositions de ses employés, de mistress Kendall, de miss Cecil, dont le mutisme voulu avait été plus terrible pour lui que tous les autres témoignages.

Pour tous, sauf peut-être pour Marius qui avait semblé lui marquer de la sympathie, il était le coupable. Tout l’accusait. Malgré la déposition du chauffeur Welter, de ce bagnard repenti, chacun avait la conviction, Jeffries ne l’avait-il pas affirmé sous la foi du serment, qu’il était revenu à la Banque quelques minutes à peine avant trois heures et qu’il y avait retrouvé Jarvis.

Pourquoi Jeffries mentait-il ?

Cependant il connaissait l’homme, un passé très long, tout de dévouement et d’honnêteté, plaidait en sa faveur.

Jeffries, lui, était dévoué comme le chien l’est à son maître. Cet homme se serait jeté au feu pour lui. Du reste il l’avait observé lors de sa déposition. Il avait des larmes plein les yeux.

Mais alors quoi ?

Et tout s’accordait pour le perdre. À la déposition si accablante de Jeffries s’ajoutait celle de mistress Kendall qui, téléphonant à ce moment, avait entendu sa voix, affirmation que miss Cécil, sa fiancée, n’avait pas démentie !

Certes, Mad avait pu mentir, mais Cécil ?

Cecil l’aimait, il en était sûr.

Alors ?

Et se mordant les poings avec une rage impuissante, il se répétait alors… mais alors ?

Tout à coup, il crut avoir trouvé : une ressemblance !

Oui ! ce devait être cela. Quelqu’un, un malfaiteur avait dû se maquiller, se faire sa tête, et passant devant Jeffries, abuser ce dernier.

Comment personne n’avait-il pensé à cela !

C’était clair, lumineux et tout s’expliquait !

Enfin il allait pouvoir s’expliquer, prouver son innocence. Quel intérêt du reste aurait-il eu à ce meurtre stupide ?

Cependant la joie de Weld fut brève. Il comprit qu’une fois encore, il faisait fausse route.

Jeffries pouvait, abusé par une res-