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ge et pour que je fusse certain du sérieux de l’affaire proposée, « Jean » me mit donc au courant il y a trois jours, à mon arrivée, de ce que nous avions à faire. Nous avions — (la raison ne m’en a pas été donnée) — à nous faire passer pour des Mexicains ; nous avions à en prendre l’apparence, et aussitôt le vol accompli, à gagner Matamoros, d’où nous passerions à Mexico le plus rapidement possible, sans dissimuler nos traces, de façon à attirer sur nous les soupçons de la police et à favoriser ainsi la disparition des voleurs véritables, partis, eux, par une autre route. À Mexico, nous étions libres de reprendre notre figure habituelle et de disparaître. La… prime élevée qui nous était promise — cent mille francs à chacun de nous — devait nous payer des difficultés d’un voyage à travers les États de Tamanlipas, de Queretaro et de Mexico ! Cela vaut bien cent mille francs en ce moment.

— Continuez, continuez, dit Suttner, qui se rappelait la conversation qu’il avait eue avec Georges Weld à propos de la possibilité du vol des documents du général Kendall par des affiliés mexicains.

— En somme, la besogne était facile et le gain considérable. Aujourd’hui, vers une heure, Jean vint me prendre à mon hôtel pour m’apprendre que nous avions à accomplir un petit ouvrage supplémentaire : il s’agissait de « subtiliser » à une personne qu’on me désignerait un simple trousseau de clefs. Si nous réussissions, et la chose était d’une simplicité élémentaire, l’enfance véritablement du métier, on nous promettait, en guise de gratification, de ne pas nous retenir la petite avance de dix mille francs que nous avions déjà touchée.

— C’était royalement payé.

— N’est-ce pas ! Ce petit simplement nous laissait ainsi cent mille francs nets de bénéfice à l’opération pour laquelle on sollicitait notre concours.

— Vous avez aussitôt accepté la proposition qu’on vous fit ?

— Dame, monsieur le juge, mettez-vous à ma place, puisque c’est mon métier.

— Vous êtes cynique.

— Mais non.

— Passons. Que se passa-t-il alors ?

— Donc, Jean laissa dans ma chambre, à l’hôtel, la valise qu’il avait apportée.

— Une valise ?

— Oui, une valise assez grande, assez reconnaissable, en cuir jaune très clair. Nous devions la remplir d’effets et voyager ostensiblement avec elle.

— La valise ! dit Suttner.

— Puis nous sortîmes ensemble. Pour la petite opération supplémentaire, nous devions attendre un individu que « Jean » connaissait. Il me le montrerait et nous pratiquerions simplement un petit vol à l’esbroufe. Je me chargeai de le bousculer et de tâter du côté gauche pour savoir dans quelle poche le trousseau de clefs se trouvait. Jean se réservait le côté droit. Vers deux heures et demie, un peu plus peut-être, mon ami me donnant le signal convenu marcha droit à un quidam. Je ne le vis que de dos, occupé que je fus d’abord à jouer mon rôle, puis à observer Jean. Celui-ci me fit signe qu’il avait réussi. Nous filâmes alors rapidement tous deux, chacun dans une direction opposée, pour nous rejoindre quelques instants après. Le volé avait disparu. Jean avait les clefs. Il me les remit avec un mouchoir pris en même temps dans la poche explorée. « C’est une veine, me dit-il, que j’aie pris le mouchoir. Grâce à lui, les clefs ne se sont pas heurtées l’une con-