Page:Cromarty - K.Z.W.R.13, 1915.djvu/216

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poursuite et il prend toutes ses précautions pour déjouer les recherches. Peut-être même, en compromettant monsieur Weld, le directeur en nom de la banque, espère-t-il que, pour éviter tout scandale, les administrateurs et les actionnaires de la société paieront le déficit. Il s’abouche avec une bande de gredins audacieux et adroits et pendant que l’un d’eux, maquillé de façon à pouvoir être pris pour vous…

— Mon Dieu ! s’écria Weld, interrompant le détective, serait-ce ?…

— Qui donc, vous connaissez quelqu’un qui vous ressemble au point d’être pris pour vous ?

— Non, non, c’est impossible, le malheureux ne serait pas descendu aussi bas !

— Quel que soit l’homme qui a copié vos traits, cet homme attend que vous soyez parti, il vous guette et comme on a besoin de vos clefs pour prendre quelque chose dans ce tiroir-caisse…

— Mes papiers d’identité, peut-être ?

— Probablement… On vous fait voler votre trousseau par des complices. Vous savez quels rôles ceux-ci doivent jouer. Pendant qu’ils attirent sur une fausse piste les policiers lancés après les voleurs, Jarvis et l’inconnu emportant les millions — les papiers peut-être — passent au Mexique…

— Vous voyez bien, interrompit Kendall, que ces papiers ont dû être volés !

— Attendez, général, je vous en prie. Je reprends la suite de mes idées. Tout a été réglé et bien réglé. Jarvis et l’inconnu emportent leur butin, et après avoir payé leurs acolytes, ils jouissent en paix du profit de leur crime. Peut-être même Jarvis restera-t-il à Brownsville et a-t-il machiné son affaire de façon à faire croire que monsieur Weld a simulé le vol pour payer ses différences à la Bourse. Ce qui est indiscutable, c’est qu’on lui a volé ses clefs, qu’on les a données à un homme qui lui ressemble d’allure et de physionomie, que celui-ci est entré à la Banque quelques instants après son départ. En le voyant, Jeffries a cru voir M. Weld. Or, s’il a vu entrer quelqu’un, Jeffries n’a vu sortir personne, du moins il l’affirme. Concluez !

— Je ne vois pas…

— Une fois enfermés tous deux dans ce bureau, les deux complices ne s’entendent plus. Pourquoi ? Cela n’importe pas. L’assassin, probablement à la vue du magnifique butin, inespéré, aura agi de façon à tout garder pour lui. Il poignarde Jarvis. Le coup fait, il ne songe plus qu’à voler ; tous ses nerfs sont tendus vers ce seul besoin : emporter ce trésor qui est là, plonger ses mains dans cet or, emplir à pleines poignées sa valise, puis fuir, fuir au plus vite.

Pour plus de facilité, il entre dans la chambre-forte avec sa valise et il continue à entasser pêle-mêle les billets et les plans. Pendant qu’il s’occupe, Jarvis, lentement, revient à lui, une idée fixe lui fait trouver une volonté surhumaine. Il se glisse jusqu’à la porte, il se traîne, lamentable, contenant de la main le flot de sang qui gicle de sa gorge… le meurtrier ne l’a pas vu… que va-t-il advenir… Jarvis rampe, rampe… enfin il atteint la porte du coffre, il la pousse, elle roule sur ses gonds… se ferme…

Et Jarvis meurt vengé, barrant de son cadavre le seuil du coffre-fort, devenu un tombeau.

— Et vous croyez ?…

— Que la chambre-forte renferme le secret de cette affaire ténébreuse.

— Et les papiers ?