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Le télégraphe a fonctionné pour moi seul et ma dépêche, par ordre supérieur, a été câblée avant tout autre !

Je pense donc que ton oncle sera content de moi à ce sujet.

Quant à mon rapport sur les établissements pénitentiaires de cette partie du pays, je te l’enverrai plus tard ou plutôt je te le remettrai moi-même à mon arrivée à Paris.

Je quitterai Brownsville pour en réunir les éléments en visitant les grandes villes des États de l’Union aussitôt après… après mon mariage !

Le grand mot est lâché !…

Oui, mon cher Vaucaire, je reviendrai en France, marié… et content !

Car j’ai trouvé ici une femme délicieuse. J’avais, il est vrai, fait sa connaissance à Paris, mais elle est Américaine et sa famille est — vois comme ça se trouve — de Brownsville.

Tu dois te dire que je suis devenu fou, et que moi, qui avais déjà de la peine à vivre indépendant, je suis stupide de me marier dans ma situation, plus que modeste !

Eh bien, non, je ne suis pas fou, je ne suis pas stupide, car j’ai fait fortune ! Est-ce que du reste on ne fait pas toujours fortune, quand on est intelligent, en Amérique !

Il y avait une prime d’un million — un million tout rond — pour celui qui ouvrirait ce fameux coffre dont je t’ai parlé, et c’est ton ami Marius qui a décroché la timbale ! Pas « moinss », mon cher !

Et dire, mon cher Vaucaire, que c’est grâce à toi, à ton intervention providentielle, que je dois tout : fortune et bonheur !

Aussi tu as en moi un ami dévoué et sûr !

Je me marie dans un mois ; quelques jours après le mariage du banquier Weld, dont je suis devenu l’ami.

Je choisis mes connaissances, comme tu vois.

Vous voulions nous marier tous deux le même jour, mais nous nous sommes heurtés à une difficulté insurmontable. Ma fiancée, miss Ketty Trubblett et moi sommes catholiques ; Weld et miss Cecil Kendall sont protestants. J’ai comme témoin l’homme du jour ici : le général Roland Kendall, celui qui dirige la mobilisation des troupes américaines.

Enfin, mon cher et vieux camarade, je suis au comble de la joie et je n’aurai qu’un regret : c’est de ne pas te serrer dans mes bras en ce beau jour !

Veux-tu me rappeler respectueusement au souvenir de monsieur le ministre… ton oncle et me croire pour la vie ton

Marius BOULARD.

Brownsville, le … 1913.


Les quelques semaines qui s’écoulèrent entre le jour où Marius écrivit cette lettre et le jour de son mariage passèrent comme un rêve.

Stockton, après avoir fourni les éléments du fameux rapport sur la police américaine et les procédés qu’elle préconise et emploie, était parti à la Nouvelle-Orléans, appelé par une affaire de vol dans laquelle il lui avait semblé reconnaître « le faire » de Borchère — ou plutôt de Martin.

Marius lui avait bien offert de l’accompagner, mais sans insister ; il n’avait que juste le temps, en effet, pour parachever le cadeau de noces qu’il destinait à Weld et auquel il travaillait en cachette : le portrait de miss Cecil.

Aussi Stockton partit-il seul, mais faisant la promesse de revenir pour le jour des épousailles, car il était té-