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tégorie de fripons et voulait se documenter sur les trucs employés par eux.

Ils sont nombreux et varient suivant les individualités. Ils sont surtout facilement employés dans les cabines des navires.

Le Rat prend à la cire l’empreinte de la serrure d’un voyageur choisi parmi les plus riches, arrange des clefs préparées à l’avance et pénètre tranquillement à l’heure où les chambres sont à peu près désertes.

Si on le surprend, il dira : « Je me suis trompé de porte ».

Parfois, il se cache sous le lit d’une cabine occupée par un seul passager, pose sur le visage de celui-ci, quand il est endormi, un mouchoir imbibé de chloroforme et peut ensuite opérer en toute tranquillité.

Autre moyen : profitant du moment où son voisin de lit est sorti, au cas où le « rat » occupe une cabine à deux couchettes, il pratique dans la cloison un ou deux trous de petit diamètre qu’il bouche avec une petite boule de cire. Ces trous sont orientés de façon à arriver un peu au-dessus de la tête des dormeurs.

Puis il introduira, par les trous, débouchés, une longue et fine canule adaptée à un vaporisateur, ce qui lui permettra d’endormir sa victime en lui enveloppant la tête d’une atmosphère de vapeurs chloroformiques.

Marius arrêta là sa lecture : il voulait avant le dîner pousser jusqu’au café et jeter un coup d’œil sur les joueurs.

Chose bizarre, mais à laquelle il s’attendait : les six célibataires soupçonnés étaient autour des tables de jeu !

Tous ne jouaient pas. Seuls, le comte de Borchère, sir Maurice Quimby, Messieurs Ter Brach et Gugenheim se livraient aux douceurs d’un poker.

Les deux autres, Stockton et Gorst, regardaient silencieusement.

On sait qu’à ce jeu le moindre clignement d’œil, la moindre interjection est sévèrement interdite, aussi bien aux « ponteurs » qu’aux assistants.

La partie, n’était pas très animée. Les gains et les pertes se balançaient, les enjeux ne montaient guère.

D’autres passagers suivaient également la partie. Entre autres deux Américains du Sud, de Buenos-Ayres, qui devaient être excessivement riches, à en juger par les bouchons de carafe qui étoilaient les plastrons de leurs chemises.

Marius passa à la table d’écarté. Là la partie était très animée. De nombreux billets de banque jonchaient le tapis. Plusieurs milliers de dollars — enjeux et paris — étaient là étalés.

Comme tout méridional qui se respecte, Marius était joueur. À la reprise d’une partie, il jeta négligemment un billet de cent francs du côté de celui qui venait de perdre.

La chance le favorisa.

Il gagna, fit paroli, gagna encore, et laissant le tout sur le tapis, vit après la troisième partie gagnée, ses cinq louis se muer en huit cents francs !

Il hésitait sur ce qu’il allait faire, quand la première cloche du dîner sonna : il avait dix minutes pour aller passer son smoking ; il était temps de quitter la partie, qui languissait, du reste.

En relevant les yeux après avoir serré son gain dans son portefeuille, il aperçut Stockton qui le regardait, avec aux lèvres ce même sourire qu’il avait eu tantôt, dans le fumoir.

— Vous avez de la chance, monsieur, lui dit-il simplement.

Marius vit là un moyen d’entrer en