Puis, avec Stockton, présenté lui aussi, il se dirigea vers un hôtel : « Le Grand Hôtel du Texas ! ».
Leur chambre retenue et un bout de toilette fait avec soin, tous deux se rendirent de compagnie à la banque. Le patron de celle-ci, M. Georges Weld, était absent et ne serait à ses bureaux que le lendemain matin.
Pour la lettre de crédit, personne ne s’était présenté ; du reste, la dépêche envoyée de Lisbonne avait été prise en bonne note et si quelqu’un s’était présenté pour négocier le chèque volé, il eut été immédiatement livré à la justice.
Marius prit rendez-vous pour le lendemain, et sûr de rencontrer alors M. Georges Weld, il s’en alla avec Stockton.
Celui-ci l’emmena à la direction de police et le présenta à tout le haut personnel de Brownsville.
Quoique la population de cette ville ne soit pas très dense, les policiers y sont en nombre relativement considérable et y ont beaucoup à faire. Nombreux y sont les vols, et plus nombreux encore les meurtres.
Presque tous ces crimes, du reste, sont le fait des indigènes, composés de métis espagnols, mexicains et indiens, des gens de morale peu scrupuleuse et d’aventuriers venus là pour faire dieu sait comment, fortune.
Le voisinage des pénitenciers de « Long Island » n’est pas pour améliorer les mœurs d’une populace déjà aussi hétéroclite. La police locale y est par conséquent souvent insuffisante et les autorités doivent faire appel, lorsque le besoin s’en fait sentir, aux détectives des États limitrophes.
Plusieurs fois, Stockton avait séjourné à Brownsville et sa réputation d’habileté y était solidement établie ; Marius et lui furent donc accueillis à bras ouverts. Des rendez-vous furent pris pour la visite des pénitenciers, pour des descentes dans les tripots — « les saloons » — où la haute pègre tenait ses assises, et puisque Marius voulait se documenter, il pourrait choisir : il en verrait de toutes les couleurs.
Il apprit alors quel homme était Stockton.
C’était en grande partie à lui qu’était due l’épuration du personnel de la haute police new-yorkaise ; c’était lui qui avait découvert, la vérité dans l’affaire Rosenthal-Becker et forcé le bras droit de ce dernier, Jack Rose, à démasquer son chef, ce bandit lieutenant de police !
Partout où il avait passé, il avait débrouillé les affaires les plus difficiles et rares étaient les échecs qu’il avait essuyés.
Un seul malfaiteur jusqu’à présent lui avait toujours glissé entre les doigts : c’était cet insaisissable chef de la bande des voleurs, ou plutôt des écumeurs de paquebots ! Aussi quand on apprit à la direction de police que l’audacieux filou viendrait sans doute à Brownsvile, ce fut la joie. On allait assister peut-être au dernier acte du drame.
— Et quel nom avait-il donné sur la liste des passagers ?
— Celui du comte de Borchère.
— Et il est descendu à Lisbonne ?
— Il est descendu à Lisbonne.
— Sans doute comptait-il prendre un des paquebots de La « Insular Line » qui devait l’amener ici avec vingt-quatre heures d’avance sur vous.
— Je ne sais, répondu Stockton, et je serais étonné qu’il vint ; il ne peut ignorer que monsieur Boulard est arrivé avant lui. Cependant, s’il m’a échappé cette fois encore, j’ai au moins la satisfaction de penser que