Page:Cromarty - K.Z.W.R.13, 1915.djvu/83

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dide et charmant, votre premier amour Georges, celui dont on se souvient toujours, toujours, vous verrez… quoi qu’on fasse et me voici, un peu confuse, très repentante, même, et je viens m’humilier devant vous, prête à vous dire que, moi aussi, je vous aime, si vous m’aimez encore… Vous ne répondez pas ?

— Cela m’est impossible.

— Impossible, ce mot dans votre bouche, votre attitude glacée… Vous en aimez une autre ?

— Que vous importe ?

— Il m’importe au contraire, ne mentez pas.

— Et bien, oui.

— Mon cher, vous auriez pu m’épargner le ridicule d’un aveu, et m’arrêter à temps dans mes épanchements ! C’eût été plus loyal, plus correct de votre part.

— Peut-être…

— Il n’y a pas de peut-être, je vous assure que vous avez manqué de galanterie.

— Excusez-moi encore une fois, mais si je ne l’ai pas fait, c’est que j’avais une raison.

— Peut-on la connaître, si ce n’est trop vous demander ?

— Je vais vous la dire. Ne le prenez pas sur ce ton-là. Voici, je ne suis pas votre dupe.

— Ces mots dans votre bouche, savez-vous que c’est presque une insulte ?

— Ne vous emportez pas et laissez-moi vous confier, une bonne fois, ce que j’ai sur le cœur : rassurez-vous, je n’ai pas dit « dans le cœur » ! Oui certes, je vous ai aimée follement, saintement, et comme un grand gosse que j’étais resté, je n’oublierai jamais ni le bonheur, ni les tourments que ce premier éveil de mon âme m’a donnés. Pourquoi vous êtes-vous alors moquée de moi ! Si je veux conserver le souvenir de ces heures d’angoisse et de fièvre, je ne veux pas par contre garder votre souvenir !

— Charmant ! Tout à fait charmant !

— J’ai toujours été sincère avec vous, ne vous en êtes-vous jamais aperçue ? Je le serai encore aujourd’hui malgré tout, dussé-je encourir votre ressentiment et même, ceci est un bien grand mot, votre haine. Cependant, la franchise n’est-elle pas la plus belle des qualités ? Pardonnez-moi si je vous parle aussi durement, je connais la raison pour laquelle vous avez refusé de m’épouser il y a quatre ans.

— Voyons ! Je ne sais si je dois me fâcher.

— Vous aviez autrefois jeté votre dévolu sur Richard Trenstber, le sénateur de l’État de Texas. Il était âgé de 15 ans de plus que vous, mais il était riche et en passe de devenir un homme politique influent. Toutes les ambitions lui étaient permises. Qui sait, président de la République, peut-être ? Vous espériez devenir sa femme. Qu’étais-je à côté de lui ? Quelle figure faisais-je ? Mon père vivait encore et j’étais petit employé dans la banque. Pour faire pencher la balance en ma faveur, il eût fallu m’aimer et véritablement ; non, je l’ai compris, vous ne m’aimiez pas… Depuis trois ans, les choses ont changé. Mon père, miné par le chagrin que lui causait la conduite de mon frère sur le continent, est mort en le déshéritant et en me défendant de partager avec lui la fortune considérable qu’il ne me laissait qu’à cette seule condition. Après sa mort, les actionnaires de la banque m’ont nommé directeur, et je suis à présent un parti sortable pour vous, tandis que Richard Trenstber, compromis