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LE COFFRET DE SANTAL

On dort, dans les maisons bourgeoises.
Je ne dors pas. Quel est mon mal ?

Est-ce une vie antérieure
Qui me poursuit de ses parfums ?
Ces gens vont grouiller tout à l’heure,
Dispersant mes rêves défunts.

Je me souviens ! c’étaient des frères
Que, chef bien-aimé, je menais
À travers les vastes bruyères,
Les aubépines, les genêts.

Oh ! quelle bien-aimée exquise
Au doux cœur, aux yeux de velours !…
Une autre terre fut conquise
Où le soleil brillait toujours.

L’or dont on fit des broderies,
Les gemmes, cristaux des couchants,
Les fleurs, énervantes féeries,
Les aromates plein les champs

M’ont enivré. J’ai mis des bagues,
Et des perles dans mes cheveux.
Les bayadères aux yeux vagues
M’ont distrait de mes premiers vœux.