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POÉSIES DE SAINT-LAMBERT.

Grand Dieu ! vois à tes pieds leur foule consternée
Te demander le prix des travaux de l’année.
Hélas ! d’un ciel en feu les globules glacés
Écrasent, en tombant, les épis renversés.
Le tonnerre et les vents déchirent les nuages ;
Le fermier de ses champs contemple les ravages,
Et presse dans ses bras ses enfants effrayés.
La foudre éclate, tombe, et des monts foudroyés
Descendent à grand bruit les graviers et les ondes,
Qui courent en torrents sur les plaines fécondes.
Ô récolte ! ô moisson ! tout périt sans retour :
L’ouvrage de l’année est détruit dans un jour.

(Les Saisons.)

ÉPITRE À CHLOÉ


Chloé, ce badinage tendre,
Ces légères faveurs amusent mes désirs ;
Ce sont des fleurs que l’amour sait répandre
Sur le chemin qui nous mène aux plaisirs.
Mais puis-je à les cueillir borner mon espérance ?
Ici, loin des témoins, dans l’ombre et le silence,
Donnons au vrai bonheur ce reste d’un beau jour.
De ces riens enchanteurs n’occupons plus l’amour.
Chloé, tirons ce dieu des jeux de son enfance.

Rappelle-toi ce soir, où , sensible à mes vœux ,
Tu daignas par un mot dissiper mes alarmes :
Oui, j’aime !… Que ce mot embellissait les charmes !
Qu’il irritait mes transports amoureux !
Déjà tous mes soupirs expiraient sur ta bouche :
Je voulus tout tenter ; mais, sans être farouche,