Page:Cultru - Un empereur de Madagascar au XVIIIe siècle - Benyowszky.djvu/193

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la protection du roy et se mit sous le pavillon français. M. le chevalier de Robien, chef de ce comptoir, eut égard à sa réclamation.

Les Hollandais et les Anglais voulaient attirer M. de Aladar sur leurs vaisseaux et lui proposèrent de le ramener en Europe. Il s’y refusa constamment. Les Anglais y mirent de l’obstination, au point que quatre de leurs navires vinrent devant Macao avec pavillon blanc, dans l’espérance que M, de Aladar s’y rendrait. Il avait eu une entrevue avec M. le chevalier de Robien, dans laquelle ils étaient convenus d’un signal particulier. Cela le préserva de donner dans le piège qu’on lui tendait. M. Dumont m’a confirmé ce fait. Enfin le baron s’est embarqué avec tout son monde, réduit au nombre de quarante-sept personnes, sur les deux vaisseaux le Dauphin et le Laverdy, et ils sont arrivés à l’île de France le 16 et le 18 de ce mois.

Il s’est passé à Macao un événement qui mérite d’être rapporté, mais qui ne peut être développé qu’on Europe. Une jeune fille de onze à douze ans, laquelle était avec M. de Aladar, mourut à Macao. Le baron voulut qu’elle fût enterrée solennellement dans la première place de l’église et il fit graver quelques lettres initiales sur sa tombe. Cette aventure a fait tenir beaucoup de propos, surtout par les Anglais, car M. Russell m’a dit dernièrement que c’était une femme jeune et belle déguisée en prêtre, et dont on avait reconnu le sexe en l’ensevelissant. Il paraît constant néanmoins, et le P. Surida, dominicain espagnol, m’a encore assuré hier que c’était une enfant qu’il a toujours vue vêtue suivant son sexe.

Parmi les gens qui accompagnent cet officier hongrois, il y en a un qui n’est pas de bonne volonté. C’est un secrétaire de l’impératrice de Russie, qu’il a arrêté, lorsqu’il s’est emparé de la forteresse de Kamtchatka, et dont il a saisi tous les papiers, entre autres une pièce originale qui est de la dernière importance. Il la porte lui-même en Europe, mais il m’en laissera une copie, afin qu’aucun événement ne puisse, s’il est possible, en dérober la connaissance. La femme qui est venue dans l’île de France avec le baron est veuve du capitaine qui commandait le bâtiment de Kamtchatka et qui s’était livré volontairement à la fortune de M. de Aladar. Ce capitaine est mort à Macao et le baron a cru devoir regarder cette femme comme sa sœur ou sa fille. On soupçonne même qu’il est allé plus loin, et cela peut être, quoique la veuve ne soit fort jeune ni jolie. Quoi qu’il en soit, elle vit fort retirée chez moi dans sa chambre, d’où elle ne sort point, et M. de Aladar n’a vis-à-vis d’elle que l’air de ce qu’il dit.