Page:Cultru - Un empereur de Madagascar au XVIIIe siècle - Benyowszky.djvu/20

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à ces audacieuses chimères une aventure d’amour : quel roman peut s’en passer ? Donc, le personnage nécessaire, l’impatiente Aphanasie, le 9 décembre, dès la seconde rencontre, avait révélé ses sentiments au héros, avec une franchise, dit-il, et une simplicité qui eussent bien étonné dans des contrées européennes ; et cela n’est pas, en effet, sans étonner. Le 9 janvier, un mois après, le gouverneur accordait au banni la main de sa fille. Mais toute passion doit avoir ses traverses ; un autre banni, Stepanov, provoque en duel le fiancé ; lui aussi, mais vainement et de loin, brûlait pour Aphanasie. Sur le terrain, le baron triomphe de son rival, lui fait grâce et lui déclare, en outre, qu’il ne prétendra rien sur la jeune fille, étant déjà marié en Pologne ; il promet donc au vaincu stupéfait, repentant et ravi, de la lui livrer lors de leur prochaine évasion. Il ne paraît pas que l’ingrat ait consulté sur ce point la pauvre amoureuse. Mais les péripéties se succèdent en se répétant quelque peu ; Stepanov, affolé de nouveau par l’annonce du prochain mariage de Benyowszky, menace de dénoncer la conspiration. Alors se passe une scène où l’écrivain semble vouloir reproduire les initiations lugubres des Rose-Croix. À minuit, devant tous les complices réunis et masqués, Stepanov, condamné à mourir, est forcé de vider une coupe de poison. Heureusement, Benyowszky, encore magnanime et plus indulgent envers ce coupable par amour qu’envers Pianitsin et Levantiev, a versé dans la coupe un liquide anodin : le traître, cette fois, n’est puni que par la terreur qu’il a éprouvée.

Le baron place à cette époque (février 1771) ses premières relations avec un pilote nommé Csurin, qui commandait le paquebot-courrier, le Saint-Pierre-et-Saint-Paul ; cet homme avait, paraît-il, un procès en cours à Okhotsk et craignait d’y retourner ; il se laissa gagner. Il est possible que les matelots et le pilote soient venus passer l’hiver à Bolsheretzk, puisqu’il n’y avait à l’embouchure de la rivière que quelques cabanes, que ce Csurin, pour la raison donnée par Benyowszky ou pour tout autre, ait fait partie du