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ŒUVRES DE P. CURIE.

L’action de la chaleur a été étudiée à l’aide du procédé indiqué par M. Friedel, procédé qui est d’une si grande commodité[1].

Nos expériences ont porté sur la blende, le chlorate de soude, la boracite, la tourmaline, le quartz, la calamine, la topaze, l’acide tartrique droit, le sucre, le sel de Seignette.

Pour tous ces cristaux, les effets produits par compression sont de même sens que ceux produits par refroidissement ; ceux dus à une décompression sont de même sens que ceux dus à un échauffement.

Il y a là une relation évidente qui permet de rapporter dans les deux cas le phénomène à une cause unique et de les réunir dans l’énoncé suivant :

Quelle que soit la cause déterminante, toutes les fois qu’un cristal hémièdre à faces inclinées, non conducteur, se contracte, il y a formation de pôles électriques dans un certain sens ; toutes les fois que ce cristal se dilate, le dégagement d’électricité a lieu en sens contraire.

  1. Bulletin de la Société minéralogique, 1879.

    Ce procédé de Friedel consiste à prendre une lame cristalline taillée perpendiculairement à un axe d’hémiédrie (axe non doublé) sur une face de laquelle on applique une demi-sphère de laiton chauffée. Il en résulte une polarisation électrique de la lame et une déviation de l’électromètre auquel la demi-sphère est reliée. La pyroélectricité ainsi définie et dont il est question dans les Notes de P. et J. Curie n’est pas celle que l’on considère habituellement et qui consiste dans la polarisation électrique d’un cristal par variation uniforme de la température dans sa masse ; ce dernier phénomène se manifeste uniquement dans les cristaux hémimorphes qui ne présentent, comme la tourmaline, qu’un seul axe de symétrie.

    Le phénomène observé par Friedel est en réalité piézoélectrique et résulte des compressions produites dans le cristal par réchauffement non uniforme dû à la demi-sphère métallique. La découverte ultérieure de la piézoélectricité en a fourni l’explication et Friedel en a lui-même reconnu la vraie nature dans une Note publiée en commun avec J. Curie et dont voici les conclusions :

    « Nous pensons pouvoir conclure de ces faits d’une manière générale que dans les substances hexagonales ayant trois axes horizontaux d’hémimorphisme et dans les substances cubiques appartenant au mode d’hémiédrie tétraédrique, lorsqu’il y a échauffement ou refroidissement régulier du cristal, c’est-à-dire lorsque les dilatations sont égales par rapport aux différents axes en question, il y a compensation au point de vue pyroélectrique et l’on n’observe aucun dégagement d’électricité. On en obtiendra au contraire lorsqu’une variation irrégulière de la température ou une compression intéressant certains axes plus que d’autres produira des dilatations inégales. » (C. Friedel et J. Curie, Comptes rendus de l’Académie des Sciences, t. XCVII, 1883, p. 66.)

    [Notes des Éditeurs.]