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étudiés par M. Sagnac, et ces rayons secondaires semblent formés eux-mêmes par un mélange de rayons non déviables et de rayons chargés d’électricité analogues aux rayons cathodiques[1]. L’analogie est donc grande entre l’émission spontanée des corps radioactifs et les rayons secondaires des rayons de Röntgen. Cette analogie nous avait frappés dès le début de cette étude, et depuis elle n’a fait que s’accentuer.

Mais la spontanéité du rayonnement est une énigme, un sujet d’étonnement profond.

Quelle est la source de l’énergie des rayons de Becquerel ? Faut-il la chercher dans les corps radioactifs eux-mêmes ou bien à l’extérieur ?

Conformément à ce qui vient d’être dit, on pourrait considérer les rayons de Becquerel comme une émission secondaire due à des rayons analogues aux rayons X traversant tout l’espace et tous les corps.

Si l’émission, prise dans son ensemble, n’était pas une émission secondaire, cela pourrait être encore vrai pour l’un des deux groupes de rayons ; on pourrait considérer comme rayons primaires soit les rayons non déviables, soit les rayons déviables.

Dans le premier cas, l’énergie pourrait être empruntée au milieu ambiant sous forme de chaleur, mais une semblable hypothèse serait en contradiction avec le principe de Carnot.

Dans le second cas, on pourrait avoir recours à l’hypothèse balistique telle qu’elle a été édifiée par Sir W. Crookes et M. J.-J. Thomson pour l’explication des propriétés des rayons cathodiques. Le radium émettrait d’une façon continue des particules extrêmement petites chargées d’électricité négative. L’énergie utilisable emmagasinée sous forme d’énergie potentielle se dissiperait peu à peu, et cette manière de voir conduirait nécessairement à ne plus admettre l’invariabilité de l’atome.





  1. Curie et Sagnac, Comptes rendus, t. CXXX, p. 1013 ; 9 avril 1900.