Page:Curwood - Kazan, trad. Gruyer et Postif.djvu/40

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du nord-ouest. C’était l’appel des jours lointains qu’il avait vécus jadis sur les bords du Mackenzie, à mille milles de là.[1]

Il rencontra des pistes diverses et renifla les odeurs laissées par des sabots d’élans et de caribous. Il releva les empreintes des pieds, ouatés de fourrure, d’un lynx. Il pista aussi un renard et arriva ainsi à une clairière entourée de grands sapins, où la neige était battue et rougie de sang. Sur le sol gisaient la tête d’un hibou, ses plumes, ses ailes et ses entrailles. Et il comprit qu’il n’était point le seul chasseur de la région.

Vers le soir, il tomba sur d’autres empreintes qui ressemblaient fort aux siennes. Elles étaient toutes fraîches et leur senteur récente fit qu’il gémit, en se remettant sur son derrière et en s’essayant, par de nouvelles vocalises, au cri du loup.

À mesure que grandissaient dans la forêt les ombres de la nuit, il sentait davantage sa solitude et le besoin se faisait plus impérieux d’appeler à lui ses frères sauvages. Il avait voyagé toute la journée, mais ne sentait point la fatigue. La nuit était claire et le ciel empli d’étoiles. La lune se levait.

Il s’installa à nouveau sur la neige, le nez pointé vers le faîte des sapins, et le loup naquit soudain en lui, en un long et lugubre hurlement, qui courut au loin, pendant des milles, à travers le nocturne silence.

Quand il eut terminé son cri, il demeura assis et écouta, tout fier de l’étrange et nouvelle modulation que son gosier avait réussie. Mais aucune voix ne répondit à la sienne, Il avait, sans qu’il s’en rendît compte, hurlé contre le vent, qui refoulait derrière lui son cri. Seul en fut éveillé un élan mâle, qui prit la fuite tout près de lui, en faisant craquer les broussailles, et dont les grandes cornes vinrent battre,

  1. Le mille anglais vaut 1.600 mètres.