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VII

KAZAN RETROUVE LA CARESSE DE JEANNE

À la lisière du petit bois de cèdres et de sapins, Pierre Radisson, le vieux trappeur, après avoir dressé la tente, chargeait son feu. Il saignait par une douzaine de blessures, morsures dans sa chair des crocs des loups, et il lui semblait que se rouvrait dans sa poitrine une autre plaie ancienne, dont lui seul connaissait toute la terrible gravité.

L’une après l’autre, il traînait les bûches qu’il avait coupées et les amoncelait sur celles qui brûlaient déjà, tandis que la flamme montait à travers les minces brindilles qui y attenaient encore. Puis il fit, avec d’autres bûches, une provision de bois pour la nuit. Du traîneau, sur lequel elle était restée, Jeanne suivait du regard les mouvements de son père, les yeux encore dilatés d’effroi, et toute tremblante. Sur sa poitrine elle pressait toujours son bébé, et ses longs cheveux noirs luisaient aux reflets du feu. Son visage était si jeune, si ingénu, qu’à peine aurait-on pu croire qu’elle était mère.

Lorsque le vieux Pierre eut lancé sur le foyer sa dernière brassée de bois, il se retourna vers Jeanne, haletant, et se mit à rire.

— Il s’en est fallu de peu, ma chérie[1]dit-il, tout

  1. Les mots en italique sont en français dans le texte.