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Page:Curzon - L’Œuvre de Richard Wagner à Paris et ses interprètes, Sénart.djvu/102

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L’ŒUVRE DE RICHARD WAGNER À PARIS.

Quant à Delmas, peu d’incarnations lui ont été aussi favorables que celle de Hans Sachs. Il n’y trouvait pas seulement l’occasion de nuancer avec un charme extrême de demi-teinte le timbre si riche de sa voix, il unissait la simplicité et la bonhomie à la dignité naturelle du cordonnier-poète que révèrent les maîtres-chanteurs et qu’acclame le peuple ; il était paternel avec discrétion et gai avec goût : il laissait deviner, sans appuyer, cette évolution intérieure qui rend le rôle si intéressant : au premier acte, c’est le maître qui écoule en silence et qui se laisse pénétrer, sans parti pris, de la nouveauté d’une poésie hors des règles ; au second il est devenu l’ami, déjà, d’instinct et parce qu’il est, lui vraiment poète, de ce jeune seigneur qui pourtant a pris le cœur d’Éva, et il se joue narquoisement du plat pédant dont la rauque sérénade trouble la nuit ; au troisième, à l’aube, c’est le poète philosophe, un peu mélancolique, mais qui se retrempe à son dévouement même, et dont la bonté plus encore que l’esprit sera glorifiée tout à l’heure par une foule enthousiaste.

Maurice Renaud, comme dans la plupart des rôles qu’il assumait à cette époque, parut méconnaissable dans Beckmesser. Le visage ravagé par l’inquiétude et l’envie, la taille professionnellement voûtée, le geste étriqué et sournois, la voix sèche, coupante, geignarde, c’était le cuistre allemand dans toute sa beauté. La façon rageuse dont il traitait le chevalier Walter au premier acte, les gaucheries si sincèrement ridicules de sa sérénade, au second et de son concours, au quatrième, la lourdeur maladroite et répugnante de sa visite intéressée à Hans Sachs au troisième, autant de faces inoubliables de son personnage.

David c’était Vaguet, jeune, fringant, gai, aimable, un peu