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L’ŒUVRE DE RICHARD WAGNER À PARIS

Rhin ou du récit inconscient de ses souvenirs pendant la halte de chasse, revêtaient sur ses lèvres une légèreté incomparable. L’aisance avec laquelle « il posait vaillamment son personnage et gardait à son héroïsme cette belle humeur fière et cette bonhomie qui le caractérisent », (ces mots sont de Louis de Fourcaud) pénétrait, une fois de plus, le spectateur de cette sympathie spontanée dont nous avons vu les effets irrésistibles.

Autour de cette insouciance joyeuse, qui vraiment éclairait l’œuvre entière, le caractère trouble, sombre, tourmenté, des autres personnages n’apparaissait que mieux. Il est évident que si Gunther se montrait pâle et incertain, ce n’était pas tout à fait la faute de Gilly, et que l’inconsciente Gutrune ne pouvait être mise mieux en valeur que par Rose Féart, musicienne attentive et voix pénétrante, constamment fidèle au caractère du personnage. Hagen lui-même, qui sait ce qu’il veut, reste comparse, et Alberich s’inquiète à bon droit de son habileté d’emprunt, de son ambition brutale et bornée : dans son âpreté glaciale, sans souplesse, Delmas a fortement indiqué cette nuance. Comme Brunnhihle, on espérait Mme Litvinne, et pour cause. Le rôle a paru un peu lourd pour Mlle  Grandjean, supérieure en Isolde, ici trop passive et sans le rayonnement d’héroïsme qui doit transparaître constamment en elle jusqu’à la transfiguration finale. L’admirable scène de Waltraute a bien servi Mlle Lapeyrette, dont la belle voix se maria ensuite avec grâce à celles de Mlles Gall et Laute-Brun dans les Filles du Rhin. Les Nornes étaient chantées, très honorablement, par Mmes Charbonnel, Caro-Lucas et Baron.

Parmi les artistes qui succédèrent à ceux-ci dans la suite des