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L’ŒUVRE DE RICHARD WAGNER À PARIS

Tristan, Parsifal en témoignent. En vain lui objectait-on cette hostilité toujours latente chez nous. Il avait reconnu qu’elle était irraisonnée et superficielle, qu’elle tenait à des motifs extrinsèques, dont il était le premier à déplorer l’origine. Et il déclarait, en propres termes, qu’elle était peu de chose, en somme, auprès de celle dont ses compatriotes n’avaient cessé d’entraver toute son activité, et qui, celle-là, (nous sommes assez renseignés pour nous en être rendu compte à notre tour), était aussi perfide, lâche, et calculée qu’on peut l’imaginer d’une pareille race.

« Il fait sombre dans mon cœur d’Allemand (écrivait-il en propres termes à Hans von Wolzogen, en 1880, c’est-à-dire tout à la fin de sa carrière). Je pense, de plus en plus, à quitter, avec les miens, l’Empire allemand pour l’Amérique… Mais d’abord. Parsifal ! »

Oui, si l’on veut étre juste et juger d’ici, sans parti pris, la question wagnérienne, il faut reconnaître que l’Allemagne n’a adopté ni apprécié Wagner que lorsqu’elle a compris qu’elle en pouvait faire un instrument d’expansion commerciale, une arme de guerre. Alors seulement, rien ne lui a plus coûté pour vanter et applaudir l’œuvre qu’elle avait méconnue, l’artiste qu’elle avait exilé et condamné à la misère. C’est l’Allemagne qui, par les agissements souterrains où elle se complaît, a pu rendre odieux à de bons esprits (que n’arrêtait pas la question musicale) certains à côté du triomphe de Wagner chez nous. La qualité de l’œuvre n’y est pour rien, pas plus que ses « tendances » imaginaires. Si l’on veut voir le pangermanisme au travail, dans le domaine de la musique, ce n’est pas là qu’il faut le chercher, mais chez ceux qui ont prétendu enchérir sur lui et sur les