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TANNHAEUSER

Monte-Carlo, à Londres, à Saint-Pétersbourg… Mais il abordait pour la première fois Tannhaeuser, qui devait rester l’une de ses incarnations les plus typiques. Pour en évoquer le souvenir, il semble qu’il suffise de rappeler la définition que Wagner a donnée du personnage de l’ardent chevalier :

« Dans le caractère de Tannhaeuser, le trait que je signale comme essentiel, c’est qu’il est tout plein du sentiment, toujours immédiatement actif, toujours à son comble, de la situation présente ; c’est le vif contraste qu’y provoquent les brusques changements de cette situation et qui se manifeste en même temps que ce sentiment le saisit. Tannhaeuser ne fait jamais les choses à moitié : tout ce qu’il est, il l’est à fond et sans réserve. »

Aussi bien, Ernest Van Dyck n’a pas eu d’autre règle, dans sa carrière, que la conformité au dessein du compositeur, approfondi, vécu, vibrant. C’est là, en quelque sorte, la caractéristique de son interprétation.

Qui ne se souvient, parmi ceux qui ont assisté à la soirée du 13 mai, de la commotion inattendue produite par lui, lorsque, après le brio de sa scène avec Vénus, plongé dans une muette prière, sur le devant de la scène, et inconscient du changement de décor et du passage des pèlerins, il s’écriait enfin, le visage transfiguré et d’une voix où semblait passer toute son âme : « Seigneur, soyez béni !… » Qui ne le revoit, dans la scène du concours, atterré devant la douleur d’Élisabeth, baisant le bas de son manteau avec une sorte d’enthousiasme de pénitence et d’expiation, défaillant ensuite comme d’horreur de soi, et, par deux fois, tombant genoux sur ce chemin de l’exil ? Qui ne se