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L’ŒUVRE DE RICHARD WAGNER AU CONCERT

renoncer à ce beau dessein. À qui voudrait se rendre compte de l’état des esprits à cette époque, je ne puis mieux faire, sans insister davantage, que de signaler l’article écrit, d’un esprit excellent et d’une plume alerte, par Louis de Fourcaud, dans le Gaulois du 6 décembre 1885. Il vaudrait d’être reproduit. Ce fin critique, qui était aussi un noble cœur, fut d’ailleurs si sottement pris à parti, qu’il dut faire remarquer que la guerre de 70 l’avait vu s’engager, lui, à un âge où à peine on pouvait l’accepter, et qu’il avait peut-être le droit de déclarer que le vrai patriotisme est d’être soldat en temps de guerre, non de siffler des opéras en temps de paix[1].

L’Opéra aussi s’était déclaré un moment séduit, pour son compte, par l’entreprise, et déjà l’on nommait comme interprètes : Jean de Reszke, le nouveau triomphateur du Cid, Christine Nilsson, alors à Paris, et le baryton Devoyod, qu’on aurait engagé tout exprès.

Je ne referai pas ici la chronique du mémorable essai, mené cette fois jusqu’au bout, que la ténacité de Charles Lamoureux parvint à accomplir le 3 mai 1887, dans une salle spéciale, et à grands frais. Le triomphe fait à l’œuvre, d’autant plus incontestable qu’une petite partie seulement du public lui était d’avance acquise, exaspéra l’opposition systématique de certains journaux, encouragea les gamineries trop faciles de la rue, fit de ce simple événement musical je ne sais quel trouble de la paix publique. Lamoureux, qui eût pu, en réalité, tenir bon, préféra céder : le sacrifice, si complet, reste tout à son honneur.

D’autant plus que cette unique exécution est un de ses meil-

  1. Cf. encore les articles du 13 et du 16 janvier 1886, toujours dans le Gaulois.