Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/107

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ques femmes distinguées, et dont les opinions s’accordaient avec celles de mon père et de mon grand-père. Elles vinrent spontanément au-devant d’une personne à laquelle elles s’intéressaient depuis longtemps sans la connaître, et lui témoignèrent une sympathie touchante, fondée sur beaucoup d’admiration. Elle m’a parlé de madame Charles de Lameth, mademoiselle Picot, personne d’un esprit aimable et même gai, malgré la rigueur des temps ; de madame d’Aiguillon, la dernière du nom de Navailles, belle-fille du duc d’Aiguillon, l’ami de madame Dubarry, et belle comme une médaille antique ; enfin de madame de Beauharnais, depuis l’Impératrice Joséphine.

Ma mère et cette dernière étaient logées dans le même cabinet, elles se rendaient réciproquement les services de femme de chambre.

Ces femmes si jeunes, si belles, avaient les vertus et même l’orgueil de leur malheur. Ma mère m’a conté qu’elle s’empêchait de dormir, tant qu’elle ne se sentait pas la force de faire le sacrifice de sa vie, parce que, disait-elle, elle craignait de donner des marques de faiblesse, si on venait la nuit la réveiller en sursaut pour la conduire à la Conciergerie, c’est-à-dire à la mort.

Mesdames d’Aiguillon et de Lameth avaient beaucoup d’énergie ; mais madame de Beauharnais mon-