Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/167

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mes du Nord. Ces femmes rêvent éternellement ce que les autres font ; et c’est pour elles surtout qu’on peut dire que la vie est le songe d’une ombre.

Aux approches des régions boréales, il vous semble gravir au plateau d’une chaîne de glaciers ; plus vous avancez, plus cette illusion est près de se réaliser : c’est le globe lui-même que vous escaladez, la terre est votre montagne. Au moment d’atteindre le sommet de cette Alpe immense, vous retrouvez ce que vous avez senti moins vivement en montant les autres Alpes ; les rochers s’abaissent, les précipices se comblent ; les populations fuient derrière vous, le monde habitable est sous vos pieds, vous touchez au pôle : vue de cette hauteur, la terre s’amoindrit ; mais tandis que les côtes s’aplatissent, et forment autour de vous un cercle à peine marqué, et qui va toujours en s’effaçant, la mer s’élève : vous montez avec elle, vous montez, vous montez, comme au sommet d’une coupole : ce dôme, c’est le monde, dont Dieu est l’architecte. De là vos regards planent sur des flots glacés, sur des champs de cristal, et vous vous croyez transporté dans le séjour des bienheureux, parmi les anges, immuables habitants d’un ciel inaltérable. Voilà ce que j’éprouve en avançant vers le golfe de Bothnie, dont la partie septentrionale touche à Torneo.

Les côtes de la Finlande réputées montagneuses ne me paraissent qu’une suite de petites collines im-