Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/187

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vous étonnerez plus du peu de fond qu’on peut faire sur la parole d’un Russe (c’est le prince russe qui parle), ni de l’esprit de ruse qui s’accorde avec la fausse culture byzantine et qui préside même à la vie sociale sous l’empire des czars, heureux successeurs des lieutenants de Bati.

« Le despotisme complet, tel qu’il règne chez nous, s’est fondé au moment où le servage s’abolissait dans le reste de l’Europe. Depuis l’invasion des Mongols, les Slaves, jusqu’alors l’un des peuples les plus libres du monde, sont devenus esclaves des vainqueurs d’abord, et ensuite de leurs propres princes. Le servage s’établit alors chez eux non-seulement comme un fait, mais comme une loi constitutive de la société. Il a dégradé la parole humaine en Russie, au point qu’elle n’y est plus considérée que comme un piége : notre gouvernement vit de mensonge, car la vérité fait peur au tyran comme à l’esclave. Aussi, quelque peu qu’on parle en Russie, y parle-t-on toujours trop, puisque dans ce pays tout discours est l’expression d’une hypocrisie religieuse ou politique.

« L’autocratie, qui n’est qu’une démocratie idolâtre, produit le nivellement chez nous tout comme la démocratie absolue le produit dans les républiques simples.

« Nos autocrates ont fait jadis à leurs dépens l’ap-